Au
début des années 60, le sport automobile est une affaire de spécialistes.
Ferrari règne sur les courses d'endurance, seulement concurrencée
par Maserati ou Aston Martin, avant l'arrivée de Porsche au plus haut niveau,
tandis que sur le front des Grands Prix, la suprématie du cheval cabré
de Maranello est seulement contestée par les artisans britanniques tels
que Lotus, Cooper ou BRM.
Ford s'apprête à changer la donne en
s'impliquant dans le sport automobile à partir de 1964. Pour la première
fois, c'est l'un des industriels les plus puissants du monde qui met sa réputation
en jeu en se mesurant aux spécialistes du genre. Mais, pour y parvenir,
Ford dispose de moyens techniques et surtout financiers qui n'ont rien à
voir avec ceux de ses concurrents. Pour concevoir ses modèles de compétition,
Ford peut profiter des systèmes informatiques et des moyens de production,
habituellement dévolus à ses produits de grande diffusion.
Pour
ne pas partir d'une feuille vierge, les dirigeants de la firme de Dearborn s'associent
avec un artisan anglais: Lola. La jolie berlinette Lola GT, réalisée
en 1963, sert donc de base de développement à la GT 40. L'ingénieur
Eric Broadley, patron de Lola, est appelé en renfort, ainsi que Len Bailey,
qui dessinera le châssis, auprès de Roy Lunn, directeur technique
de Ford, et de John Wyer, son directeur sportif.
Le premier exemplaire de la
GT 40 (baptisée ainsi à cause de ses 40 pouces de hauteur!) est
présenté à Detroit, en avril 1964. II effectue ses premiers
toursde roues aux essais des 24 Heures du Mans, quelques semaines plus tard, puis
participe aux 1 000 Kilomètres du Nürburgring, en mai. En juin 1964,
trois GT 40 prennent le départ des 24 Heures du Mans. Ford contre Ferrari,
l'affiche est trop belle ! L'artisan contre l'industriel, David contre Goliath,
l'argent contre l'expérience, la puissance contre l'ingéniosité...
Mais Ford doit s'incliner. Pendant deux ans, Ford apprend sans s'imposer, multiplie
les engagements, les enseignements et les échecs.
Une
image historique : l'arrivée en fanfare des trois Ford GT40 Mark II aux
trois premières places des 24 Haures du Mans 1966, avec en tête l'équipage
Bruce McLaren/Chris Amon sur la n°2. |
La
GT 40 évolue en recevant un moteur 7 litres en 1965, se transformant alors
en Mark II. En 1966, l'équipe américaine est enfin prête.
Aux 24 Heures du Mans, qui demeure l'épreuve reine de la saison, trois
Ford Mark II terminent groupées aux trois premières places. En 1967,
une Ford Mark IV, revêtant une toute nouvelle caisse, s'impose devant deux
Ferrari. Les ordinateurs américains sont venus à bout de l'intuition
latine.
En 1968, la réglementation change, les courses d'endurance étant
dorénavant réservées aux « prototypes » (cylindrées
limitées à 3 litres) et aux voitures de « sport » (5
litres) contraintes à une fabrication en vingt-cinq exemplaires. Ford est
d'emblée capable de relever le défi. Tandis qu'aux États-Unis
la GT 40 avait adopté des formes superlatives (Mark II et Mark IV), une
petite production a commencé en juin 1965 chez Ford Advanced Vehicles.
En janvier 1966, la première version routière (« street version
») sort d'usine. Sa puissance est réduite de 380 à 335 ch,
la finition est confiée au carrossier Harold Radford qui aménage
des vide-poches, installe de la moquette et dispose une sellerie en cuir. Le 1er
janvier 1967, la filiale Ford Advanced Vehicles est dissoute et cède ses
locaux de Slough à la J. W. Automotive Engineering, dirigée par
John Wyer et John Willment. Aulotal, une petite série de soixante-quinze
voitures a été produite, de 1965 à 1968. Sur ce total, on
relève 31 « street versions », 7 Mark III luxueusement équipées,
et 39 unités destinées à la compétition pure. Grâce
à ce modèle « de série », Ford est capable de
s'imposer lors des 24 Heures du Mans en 1968 et 1969.
Deuxième
victoire pour Ford aux 24 Heures du Mans, avec Dan Gurney/A. J. Foyt sur la Mark
IV en 1967. |
A
deux reprises, la Ford GT40 remporta les 24 Heures du Mans sous les couleurs du
pétrolier Gulf. Avec l'équipage Pedro Rodriguez/Lucien Bianchi en
1968, et Jacky Ickx/Jackie Oliver en 1969. |