1929 - 1975
Débutant tardivement, Graham Hill ne pilote une voiture de course pour la première fois qu'à l'âge de 24 ans. Il rencontre alors Colin Chapman à Brands Hatch, qui l'embauche comme mécanicien à l'usine Lotus. Hill fait ses débuts en Grand Prox en 1958 et rejoint BRM en 1960, remportant le premier titr mondial de l'écurie en 1962. Il finit deuxième en 1963, 1964 et 1965, et gagne à Indianapolis en 1966 au volant d'une Lola. Il revient chez Lotus en 1967, comme coéquipier de Jim Clarck, et obtient son deuxième titre mondial l'année suivante. Il se casse les deux jambes dans un accident à Watkins Glen en 1969 et, malgré sa victoire aux 24 Heures du Mans 1972 avec une Matra, son potentiel en F1 semble épuisé. Il se tue en cherchant à poser son avion sur l'aérodrome d'Elstree, dans le Hertfordshire, noyé dans un épais brouillard.
Texte extrait de « Voitures de courses » de David Burgess-Wise aux Editions Solar
HOMMAGE
A GRAHAM HILL:
Le symbole de la course
«
Quoi que tu fasses, qui que tu sois, n'attends jamais l'aide des autres. Tous
les autres, autour de toi, se battent pour leur propre carrière et personne
ne sera aussi motivé que toi pour le succès de la tienne. C'est
à toi de te faire tout seul, sans l'aide de personne. C'est comme cela
que se forment les champions. »
On emporte de bien curieuses images
de sa jeunesse : les pantalons, généralement gris, que j'ai usés
sur un banc en classe de philosophie, sont liés à un portrait très
précis : une grande barbe blanche, celle de Bachelard... Pourquoi lui plutôt
qu'un autre ?... Peut-être parce que mon professeur adulait ce philosophe
contemporain...
Lorsque j'ai lu cette réflexion recueillie par Marc
Hennekinne du «Figaro », j'ai cru retrouver Bachelard et la sagesse
que l'on ne manque jamais d'étroitement lier à la philosophie.
C'était
de Graham Hill et je ne me suis donc, pas trompé... même si on peut
estimer que Graham était un philosophe marginal puisqu'il était
drôle!
La différence entre un champion et un « personnage
» est que le nom du premier est sur toutes les lèvres, connu de tous,
que le second fait tellement partie de l'univers dans lequel il évolue
que l'on n'y prête plus aucune attention... Jusqu'à sa mort. Et,
suivant un phénomène bien connu, c'est à ce moment-là
que l'on prendra véritablement conscience de la perte que l'on subit.
Juan-Manuel
Fangio, Jim Clark, Jackie Stewart étaient des champions, Graham Hill était
un personnage. LE personnage du sport automobile mondial dont le palmarès
fabuleux, inégalé avec cinq victoires à Monaco, deux titres
de champion du Monde, une victoire à Indianapolis
une aux Vingt-Quatre
Heures du Mans, s'était déjà effacé derrière
le «Bonhomme », ce « Major Thompson » de l'Automobile.
La
dernière image que j'ai de lui, je préfère l'oublier : j'étais
en face du stand Embassy-Hill à la dernière séance d'essais
du Grand Prix de Monaco : je n'osais pas traverser la dizaine de mètres
séparant la glissière sur laquelle j'étais assis de son stand
où sa femme Betty, comme d'habitude, tenait le chronomètre.
Il
paraissait si triste, accablé, et le clin d'oeil qu'il nous fit n'était
pas du tout celui qui l'a rendu si célèbre. Lorsque le lendemain,
en chemisette rouge et blanche - les couleurs Embassy - il fut le premier à
escalader
la glissière et applaudir Niki Lauda, j'ai trouvé la
scène grinçante, pour spontanée qu'elle fût.
Non,
le dernier souvenir, c'est Le Mans en 1972 bien sûr avec Henri Pescarolo
et Matra-Simca. Ce diable de Graham à qui l'on faisait signe, des stands,
de ralentir pour préserver sa position et qui continuait à n'agir
qu'à sa tête... et foncer. « Si j'avais pris ma retraite
de pilote, comme tout le monde à quarante ans, je n'aurais pas gagné
Le Mans... »
C'était le point d'orgue d'une carrière
de quinze ans et sans doute aurait-il pu alors se retirer.
L'argent bien sûr
il en faut, mais il n'est intéressant que dans la mesure où il permet
de bien satisfaire ses envies. C'était la sagesse élémentaire
et épicurienne du pilote-philosophe. Des débuts difficiles et tardifs
lui avaient permis de mesurer le prix de chaque chose et forgé son caractère.
Ken Tyrrell ne dit-il pas : « Je cite toujours en exemple Graham Hill,
car il est parti de rien... Il est devenu champion du monde grâce à
sa détermination et son courage. » Mais certaines choses ne s'apprennent
pas. L'humour par exemple, la gentillesse et cette allure britannique encore plus
traditionnelle que ne le voudrait la tradition.
Quelques cheveux blancs, une
démarche à peine plus pesante depuis son grave accident : Graham
Hill ne vieillissait pourtant pas. C'était toujours le « Major Thompson
» de l'automobile et lorsqu'on réussissait à le rencontrer
en costume et portant cravate, au Salon de Londres par exempte, il avait, d'évidence,
laissé son chapeau melon et son parapluie noir au vestiaire...
On l'aurait
très bien vu sur un terrain de golf ou dans un parcours hippique ou encore
à un match de cricket. Dans le monde de l'automobile bien sûr, mais
au cours d'une conférence, à un cocktail, chez Lasserre ou au «
bistrot du coin », il restait le meilleur ambassadeur du Royaume-Uni.
La
course était sa vie. Il payait même depuis son accident pour pouvoir
poursuivre l'exercice de sa passion mais la course lui rendait tellement bien
ce qu'il lui avait sacrifié, ne serait-ce qu'à travers son immense
popularité auprès du public du monde entier.
Graham Hill sortant
de l'Élysée à l'issue du déjeuner offert par le Président
Pompidou après la victoire du Mans déclarait à notre confrère
Tommy Franklin : « C'est une excellente table, je vais la recommander à
quelques amis en Angleterre, soigneusement sélectionnés bien sûr
! » S'appliquait-il à entretenir son personnage ? Même pas,
cet humour de tous les instants, ce flegme à toute épreuve ont au
contraire naturellement contribué à auréoler sa fascinante
personnalité. Rien n'aurait pu empêcher le personnage de Graham Hill
d'irradier sur la « Sphère » où il aurait choisi d'être
et de vivre. Comme un philosophe, mais un philosophe un peu « casse-cou
», drôle et passionnément attachant.
Texte extrait de « Le livre d'or de la course auto 1975-1976 » de Jacques Jaubert
1958-62
Le
cour apprentissage
Un
seul pilote au monde a réussi à gagner le championnat du monde de
F1, les 500 Miles d'Indianapolis et les 24 Heures du Mans
Graham Hill ! Déjà
auréolé des deux premiers titres, il devra persévérer
et attendre sa 10e participation dans la Sarthe pour sceller cet inégalable
triptyque. Juin 1958, le champion britannique a alors trente ans. Il vient tout
juste de débuter en F1. Un mois auparavant, au volant d'une Lotus, il a
fait ses premiers tours de roues au Grand-Prix de Monaco. Cette année marque
également ses débuts au Mans au volant d'une modeste Lotus XV Le
baptême du feu n'ira pas bien loin. Routant avec Cliff Allison, il abandonne
au bout de deux heures (problème moteur). Fait du hasard, c'est pourtant
un nommé... Hill qui l'emporte. Mais il se prénomme Phil! Associé
à Gendebien, le pilote américain offre à Ferrari sa 3e victoire.
En 1959, toujours sur Lotus, Graham revient dans la Sarthe. Cette fois-ci, il
fait équipe avec Derek Jolly. Mais après 10 heures, c'est à
nouveau l'abandon pour un problème moteur. L'année suivante, le
pilote anglais signe pour BRM en F1 et Porsche en Formule 2. Au Mans, il change
de monture et s'engage avec l'usine de Stuttgart pour conduire une Porsche RS
60 avec Joachim Bonnier. Et encore une fois, l'aventure ne va pas à son
terme : au bout de 18 heures, la voiture flanche. Encore un problème moteur
!
Quelques mois plus tard, il fait débuter la Jaguar E en compétition.
Et pourtant, c'est aux commandes d'une superbe Ferrari 250 GT bleu marine aux
couleurs du N.A.R.T. qu'on le revoit en juin 1961 sur la piste mancelle, en compagnie
de son compatriote Stirling Moss. Quel duo et quelle époque ! Hélas,
comme de coutume, l'aventure s'arrête tout net. En la circonstance : par
la rupture d'une simple durite aux alentours de la dixième heure. Pour
clore l'incroyable série d'abandons au Mans, le champion anglais s'aligne
en 1962 au volant d'une vénérable Aston Martin P212 4 litres. Damned
!... Sans résultat. Encore une fois, ce sera un cuisant échec. Associé
à l'américain Richie Ginther, il quitte l'épreuve après
seulement sept heures de course. On se dit alors que Graham n'est pas fait pour
Le Mans. Ironie de l'histoire, c'est en cette même année qu'il est
sacré sur BRM, Champion du monde des Conducteurs de F1 ! ( Philippe Pasteau)
1963-66
En
espérant le sacre en terre sarthoise
1963.
Pour Graham Hill, voilà venu le temps des expériences marginales.
Rover et BRM construisent ensemble pour Le Mans une voiture révolutionnaire.
Le moteur à turbine Rover est monté dans un châssis barquette
BRM dérivé de la F1. Lors des essais préliminaires d'avril,
l'étrange voiture, encore brute de fonderie - avec sa carrosserie non peinte
-, en intrigue plus d'un lorsqu'elle passe et repasse devant les stands, ponctuée
de son sifflement continu. Le moteur fonctionne au kérosène avec
un compresseur relié à une petite turbine d'entraînement,
elle-même raccordée à la turbine de travail incorporée
à la transmission finale. De l'inédit qui laisse perplexe ! Avec
le jeu des équivalences, les organisateurs manceaux attribuent à
cette Rover BRM une cylindrée de 2 000 chevaux. Et, du fait de sa très
forte consommation (40 litres au 100 km), ils lui octroient une capacité
de réservoir à hauteur de 110 litres. L'auto devra porter le numéro
00, devra partir vingt secondes après tout le monde et ne figurera pas
au classement officiel. Pour la piloter, BRM a fait appel à ses deux pilotes
de Grands-Prix : Graham Hill et Richie Ginther. Le samedi au départ, beaucoup
font la moue, peu convaincus que ces élucubrations techniques iront jusqu'au
bout. Vingt-quatre heures plus tard, les sceptiques en sont pour leurs frais.
Graham Hill et Richie Ginther franchissent la ligne d'arrivée en ayant
parcouru 4 172,910 kilomètres (moyenne horaire 173,346 km/h) à une
virtuelle septième place. Pour saluer l'exploit, Graham et Richie sont
invités à monter sur le podium d'arrivée aux côtés
des vainqueurs de l'épreuve sur Ferrari, Ludovico Scarfiotti et Lorenzo
Bandini !
L'année suivante, Rover et BRM n'ayant pas réussi
à finaliser la nouvelle version de leur voiture à turbine, Graham
se présente, en compagnie de Joachim Bonnier, au volant d'une Ferrari 330P
engagée par Maranello Concessionnaire. Guichet-Vaccarella l'emportent devant...
Graham et son équipier suédois. Cette deuxième place est
le plus beau résultat du champion britannique au Mans en sept participations.
En 1965, Rover et BRM remettent le couvert avec leur bolide atypique pour le Mans.
Cette fois-ci la voiture, pilotée par Hill et Jackie Stewart - son tout
jeune coéquipier en F1 chez BRM -, est bien autorisée à participer
officiellement à l'épreuve. Hélas, l'exploit de 1963 n'est
pas réédité. Si la voiture est bien à l'arrivée,
elle se classe à un modeste dixième rang. En 1966, c'est l'année
du grand triomphe de Ford. Graham Hill est passé du côté des
Américains. On le retrouve au volant d'un modèle MKII, engagé
sous la bannière de l'écurie anglaise du Alan Mann Racing Ltd. Malheureusement
pour lui, associé à son compatriote Brian Muir, il abandonne à
la 9e heure sur bris de suspension. P. P.
1972
Son
retour au Mans
L'année du grand chelem
1972
marque l'incroyable retour de Graham Hill au sein d'une équipe Matra en
quête de sa première victoire au Mans. Entre-temps, il s'est passé
énormément de choses. En 1966 Graham s'essaye pour la première
fois aux 500 Miles d'Indianapolis et gagne cette épreuve mythique ! A cette
date, le Britannique devient alors le deuxième pilote de l'histoire, après
Jim Clark, à avoir gagné le Championnat du Monde F1 et la fabuleuse
course américaine (juste l'année précédente). La saison
1968 est une année particulière pour Graham. Jim Clark se tue sur
le tracé d'Hockenheim. Hill reprend alors le flambeau du disparu chez Lotus
et accroche à son glorieux palmarès un deuxième titre de
Champion du Monde des Conducteurs F1.
En 1969, lors du Grand-Prix des Etats-Unis,
il est victime - au volant de sa Brabham - d'un grave accident sur le tracé
de Watkins-Glen. En 1971 et 1972, on le revoit toujours en F1 dans la même
écurie. Mais pour beaucoup, il semble bien que le double champion se trouve
sur la pente descendante. Cependant, à 43 ans, Graham ne veut pas lâcher
le morceau et revient une nouvelle fois au Mans pour tenter de remporter le dernier
volet de ce triptyque tant convoité. Pour y arriver, Hill réintègre
l'équipe française aux côtés d'un Henri Pescarolo qui
fait un peu ta moue, se demandant si son aussi glorieux et célèbre
coéquipier est encore attisé d'un tel feu de la passion pour vouloir
s'investir à fond dans une telle épreuve de vingt-quatre heures.
Une crainte, on le verra, bien vite dissipée !... Cette année-là,
Cevert-Ganley placent leur Matra 670 «longue » en pole position juste
devant celle de Pescarolo-Hill. Durant la course, Cevert-Gandley dominent avec
le duo Pescarolo-Hill, bien calés dans leur sillage. Chacun s'empare de
la tête au gré des ravitaillements. Le dimanche matin, c'est l'accident
mortel de son ami, Joachim Bonnier. Entre Arnage et Mulsanne, la Lola T280 jaune
s'envole. La course ne s'arrête pourtant pas. Superbe d'aisance et manifestement
allergique aux consignes, Graham Hill décide d'attaquer l'autre Matra leader
! Et ça, ce n'est pas à Henri que cela déplaît !...
Rusé, notre Graham fait sortir les pneus mixtes au bon moment. Un violent
orage s'abat en effet sur le circuit. Cevert-Ganley sont soudainement retardés
par un allumage mouillé. Puis, à peine reparti, le Néo-Zélandais
est percuté par ta grosse Corvette de Marie-Claude Beaumont ! Le sort de
la course en est jeté. Avec neuf tours d'avance, le pilote anglais peut
alors dérouler pour réaliser son rêve un peu fou : inscrire
son nom dans la légende de la F1, des 500 miles d'Indianapolis et du Mans.
P .P.
Extrait de « Le Mans Racing n°17 Septembre/Ocobre 2003 »