Mercedes Serie S

Chez Mercedes, depuis toujours, le S signifie haut de gamme. La première Série S du constructeur allemand, apparue au début des années 20, était un spectaculaire mastodonte qui fit des merveilles en compétition après que Ferdinand Porsche l'eut modifiée.

C'est en travaillant pour l'aviation allemande pendant la Première Guerre mondiale que Mercedes expérimenta le compresseur, avec la construction de deux moteurs d'avion suralimentés.
Pour les techniciens, ce n'était qu'une réserve éventuelle de puissance. En appuyant à fond sur l'accélérateur, on enclenchait alors un système Roots à double rotor.
Mercedes présenta ces modèles suralimentés en 1921 au Salon de Berlin. Leur appellation - 6/25/40 et 10/40/65 - désignait trois échelles de puissance : fiscale, en définition atmosphérique et en version suralimentée. La suralimentation resta au stade de prototype jusqu'à ce qu'on l'adoptât sur les voitures de course : en 1922, l'équipe de Daimler réalisa une 2-litres suralimentée qui courut à Indianapolis en 1923 et remporta la Targa Florio.

Pour la gloire, non pour le profit...

Ferdinand Porsche remplaça Daimler au bureau d'études. Sur la base du modèle de course, il créa un huit-cylindres en ligne dont le compresseur marchait en permanence, ce qui était nouveau. Pilotée par Rudy Caracciola, cette voiture gagna le Grand Prix d'Allemagne!
Puis Porsche dessina un tout nouveau moteur avec un arbre à carnes en tête pour la «vieille » 28/95, avec carter et bloc en aluminium au silumin et culasse en fonte. Il existait en deux versions : 4,0 litres pour la 15/70/100 et 6,0 litres pour la 24/100/140. Cette dernière eut des clients célèbres, tels le prince héritier Frédéric-Guillaume et un jeune politicien, Adolf Hitler.
Le talent de Porsche à dessiner les moteurs l'avait largement emporté sur ses compétences en matière de châssis. Piqué au vif, il se mit au travail pour améliorer son ouvrage. Il eut la bonne idée de remplacer les longs ressorts cantilever par des semi-elliptiques et de raccourcir l'empattement à 3,40 mètres. Ce modèle fut désigné par la lettre K (Kurz = court). Annoncée comme la première voiture de série dépassant 160 km/h, la Type K ne pouvait guère atteindre que 145 chrono et avec son freinage déplorable, commun à toutes les Mercedes de l'époque, elle restait toujours délicate à conduire. Un des premiers modèles nés de l'association Mercedes et Benz en 1926 fut la Type S, créée par Porsche sur la base de la K, en surbaissant le châssis, en portant la cylindrée à 6,8 litres et en augmentant la pression dans le compresseur. La Type S était capable de dépasser 160 km/h. Construite uniquement pour le prestige, elle fut produite au compte-gouttes : 80 unités quittèrent les ateliers en 1927, 75 en 1928 et, en quatre ans, la production ne dépassa pas les 170.
Une nouvelle version apparut fin 1927, la SS (Super Sport). Son moteur compressé de 7,1 litres développait 225 chevaux. En 1929, Caracciola remporta, à son volant, l'Ulster Trophy, devant un trio de Bentley Blower 4,5 litres.

Dans la légende avec Porsche et Caracciola

Dérivée de la SS, la SSK vit le jour en 1928, avec un châssis raccourci de 45,7 cm. Deux moteurs étaient proposés : un atmosphérique et un à compresseur de 250 chevaux. La SSK fit sa première course de côte à Gabelbach. Caracciola réalisa le meilleur temps. 11 ne s'arrêta pas en si bon chemin et finit troisième clic premier Grand Prix de Monaco.
Ferdinand Porsche quitta Mercedes-Benz fin 1928. Il fut remplacé par Hans Nibel, qui reprit le programme des Série S.
Après la SSK arriva la SSKL (Super Sport Kurz Leicht - courte et légère). Elle avait perdut 200 kilos sur les 1 500 d'origine. Ce gain de poids avait été obtenu par le percement de trous dans le châssis. Le prototype SSKL date de 1929, mais ses véritables débuts eurent lieu aux Mille Miglia 1931. Caracciola couvrit, seul au volant, les 207,5 km de Brescia à Bologne à une moyenne de 154,4 km/h, abaissant le précédent record entre ces deux villes de neuf minutes et ce, malgré des arrêts pour changer un pneu crevé et réparer l'échappement. Sur la totalité du parcours le pilote de la SSKL réalisa une fantastique moyenne de 101,1 km/h arrêts ravitaillement inclus. Cette saison-là, le tandem Caracciola-SSKL remporta toutes les courses dans lesquelles il s'était engagé.

Au volant de la Mercedes SS : Frissons garantis

L'une des plus célèbres Mercedes SS est celle que Malcolm Campbell mena à la 5ème place du Grand Prix d'Ulster en 1930. Dans les années 40, la voiture devint la propriété d'un particulier, J.M. James, qui monta un compresseur plus gros, ce qui eut pour effet d'améliorer sensiblement les performances «tout en émettant un bruit harmonieux». Interrogé sur le comportement de sa voiture, James était catégorique : «Avant de partir, je devais impérativement me convaincre de cet axiome : "elle ne s'arrêtera pas ! " C'était effectivement le cas malgré la taille démesurée des tambours de freins. Avant même d'augmenter la puissance, j'ai bien sûr décidé de moderniser le freinage. Hormis ce point extrêmement délicat, cette voiture a bien des qualités : toutes les 38/250 démarrent au quart de tour. Elles sont très dociles et grimpent progressivement jusqu'à 400 tr/mn de la zone rouge. La direction peut paraître lourde à l'arrêt mais, vers 100 km/h, elle devient facile à manier et elle est aussi souple que celle d'une 2.3-litres. La boîte est parfaite. On atteint 112 km/h en seconde.»
James a aussi possédé une SSK : « Sa direction semble plus légère à basse vitesse et on l'a mieux encore en main que la SS.»

La Mercedes Serie S à la loupe

C'est en 1901 que le nom de Mercedes apparut. Il s'agissait du prénom de la fille du plus gros agent Daimler, Emile Jelinek, qui alliait les fonctions de consul d'Autriche à Nice et de vendeur de voitures allemandes auprès de ses amis fortunés.
La décennie de 1920 fut celle des Série S, oeuvres de Ferdinand Porsche pendant les cinq ans qu'il passa dans la société en tant qu'ingénieur en chef. Ces voitures comptent parmi les plus fantastiques voitures de course de leur époque, bien que leur production globale n'ait pas dépassé les 400 unités, tous modèles confondus. Elles étaient équipées d'une motorisation de tout premier ordre.

Style
Bien que la SS de base soit une énorme voiture, son châssis avait été surbaissé pour la rendre moins haute, moins imposante. Ce qui rendait la Mercedes totalement différente de ses concurrentes, c'était son profil spécifique, avec cet énorme radiateur en « V », la ligne aérienne de ses longues ailes, prolongées par des marche-pieds légèrement étirés et ses spectaculaires sorties d'échappement, souples et chromées, émergeant du capot moteur et se réunissant, plus bas, en un seul collecteur latéral. A cette époque, l'usine de Sindelfingen fabriquait à la fois des carrosseries et des châssis pour de célèbres carrossiers, comme Castagna de Milan, Saoutchik de Paris et même Murphy de Pasadena, en Californie. Beaucoup plus tard, les lignes de la SS inspirèrent le styliste de l'Excalibur, l'Américain Brook Stevens, lui-même propriétaire d'une belle Type S version tourisme de 1931.

Daimler adopta l'étoile à trois brandes comme emblème en 1909. Elle fut couronnée par le cercle de Benz lors de la fusion des deux sociétés, en 1926. L'ensemble forma un nouveau logo, visible sur le radiateur de cette «S» en pleine action.

Cette voiture, la même que sur la photo au dessus, est un modèle SS TT que Malcom Campbell pilota au Tourist Trophy et à Brooklands. Elle est motorisée par un 7,1 litres de 200 chevaux et date de 1929.

Une SSKL « Légère » de 1931 et une SSK de 1929 restaurées rivalisent comme à la grande époque.

Malgré leur encombrement considérable, tous les modèles de la Série S, comme cette SS de 1929, avaient un bon comportement routier.

Alors que l'agressive SSK châssis court dégageait une impression de puissance, la SS standard affichait, elle, une indéniable élégance.

La SSK offrait un bon comportement routier grâce aux supports pointus, que l'on aperçoit aux extrémités du châssis, ainsi qu'à son essieu arrière surbaissé.

Les versions sportives possédaient des roues à rayons.
Un exemple du raffinement du tableau de bord.
Klaxon, corne de brume ou tout simplement, pour les Série S, un moyen de signaler bruyamment leur présence?

Des garde-boue de type motocyclette équipaient nombre de SS. Les sorties d'échappement à fourreau chromé devinrent le signe distinctif des Mercedes compressées.

Toutes les Mercedes étaient magnifiquement finies, comme en atteste cet intérieur.

Les voitures de sport furent précédées par des berlines à l'allure respectable, comme cette SS 38/250.

Extrait de "L'atlas des Bolides" des Editions Atlas