Jaguar XJR-9LM

En 1988, trente et un ans après la victoire de la Type D, Jaguar renoua avec le succès aux 24 Heures du Mans grâce à la XJR-9LM. Cette victoire hautement symbolique fut le point d'orgue du retour de la marque anglaise en compétition, au plus haut niveau.

Avant d'arriver à un tel résultat, il fallut deux ans de préparation à jaguar et à son antenne compétition, le TWR (Tom Walkinshaw Racing). Il fallut également la renaissance du Championnat du monde des Voitures de sport-prototypes et le regain d'intérêt des grands constructeurs pour les épreuves d'endurance.
Le premier succès de la XJR remonte aux 6 Heures de Silverstone, en 1986, dû à Derek Warwick et Eddie Cheever. Mais pour Tom Walkinshaw, la cheville ouvrière du programme sportif de Jaguar, le but suprême restait bien entendu les 24 Heures du Mans, qui avaient définitivement assuré la gloire de la firme dans les années 50 avec les fameuses XKC puis XKD (ou Type C et Type D).
Tom Walkinshaw, Écossais né à Édimbourg, avait été un excellent pilote professionnel tout en assurant un remarquable travail de préparateur. Ingénieur de talent, il amena les Jaguar XJ-S au titre européen en catégorie Tourisme au début des années 80. Ce défi brillamment relevé ayant convaincu les dirigeants de Jaguar des bienfaits de la compétition sur l'image de marque comme sur les résultats commerciaux, restait à passer la vitesse supérieure.
Le Groupe C offrit alors, en 1985, l'occasion de développer une vraie voiture de course, la XJR6, animée par un V12 de 7 litres, dérivé du groupe de 5,3 litres équipant le coupé XJ-S. Face aux redoutables mécaniques suralimentées des Sauber-Mercedes et des Porsche 956-962, la Jaguar misait sur les qualités de son châssis particulièrement élaboré, et sur celles d'une étude aérodynamique soignée.
En dépit de ces atouts, les XJR-6 eurent du mal à suivre le train : l'absence de turbocompresseur fit souvent défaut à leur moteur et, surtout, leur évolution fut retardée par dès ennuis techniques mineurs, fruits de l'inexpérience du TWR en matière de voitures spécifiquement destinées à la compétition - cette unité étant jusqu'alors principalement spécialisée dans le développement de voitures de tourisme pour la course. Si la victoire de Silverstone permit de sauver cette première saison, on déplora des incidents peu graves mais qui coûtèrent un certain nombre de succès, en particulier à Monza, à jerez et au Nürburgring. En revanche, les 3 voitures alignées au Mans, en dépit d'un excellent début de course, montrèrent vite leurs limites : aucune d'entre elles ne figura à l'arrivée

Un titre mondial dès 1987

Conçue par l'ingénieur Tony Southgate, la XJR 8 était infiniment plus compétitive. Elle domina outrageusement le championnat mondial, remportant 8 victoires assorties de plusieurs doublés. Restaient les 24 Heures du Mans. Aux essais préliminaires du moi de mai, les jaguar se montrèrent les plu rapides du lot. Les belles anglaises firent 1 course en tête jusqu'à la tombée de la nui mais au petit matin, alors que 1a Porsche 96 usine de Bell-Stuck/Holbert s'envolait vers 1 victoire, une seule « Jag » était encore e piste qui termina, non sans mal, cinquième.
En 1988, fort de l'expérience, Southgat créa pour les 24 Heures une version spécifique de la jaguar Groupe C, la XJR-9LM, dont la caractéristique la plus évidente concernait la carrosserie, extrêmement soignée au plan aérodynamique. L'équipe, engagée à fond dans la conquête d'un nouveau titre que lui contestait absolument l'écurie Sauber-Mercedes (constructeur suisse représentant officiel de la firme à l'étoile), pouvait compter sur le renfort de Martin Brundle, déçu par sa difficile saison 1987 en Formule 1. L'Anglais avait pour mission de contrer Jean-Louis Schlesser pour le titre Pilotes...
Bien que soumis à un régime épuisant puisqu'il courait également en IMSA aux Etats-Unis les week-ends pendant lesquels il ne s'alignait pas dans les épreuves du Championnat du monde, Brundle fut le meilleur représentant de l'écurie. Il le prouva en remportant, avec Eddie Cheever, les courses de Jarama, de Monza et de Silverstone. Au Mans cependant, Brundle, associé au Danois John Nielsen, joua de malchance : tout d'abord, Nielsen s'ensabla au «virage d'Indianapolis» et perdit 2 tours; puis des problèmes mécaniques s'en mêlèrent, et la Jaguar abandonna sur une rupture du joint de culasse...

Jaguar retrouve au Mans le podium des vainqueurs

Mais revenons aux essais de ces 24 Heures en 1988. Les Sauber-Mercedes y furent victimes d'un nombre impressionnant de déchapages à grande vitesse dans l'interminable...
(Tout un passage est manquant. Il semble que le livre n'est pas été imprimé correctement, désolé...)

Moteur
La mécanique de la XJR-9 était dérivée du V12 de 5,3 litres du coupé XJ-S, mais avec une cylindrée portée à 7 litres. Bloc, culasses et pistons étaient en alliage d'aluminium; les bielles étaient en acier et titane. Le vilebrequin en acier forgé tournait sur sept paliers. Avec un taux de compression de 12,8 : 1, ce V12 développait 700 ch à 7 000 tr/mn, et affichait un couple phénoménal de 84 mkg à 5 500 tr/mn. II pesait 240 kg, avec ses accessoires et l'embrayage, mais sans les tubulures d'échappement un poids relativement élevé, conséquence de l'utilisation comme base de départ d'un moteur de série. II y avait seulement deux soupapes par cylindre, l'unique arbre à cames par rangée de cylindres étant entraîné par chaîne. Le système d'injection était contrôlé électron iquement, avec le collecteur d'admission au centre du « V » et des injecteurs pour chaque cylindre. L'échappement comprenait des tubulures séparées, se rejoignant par groupes de six pour déboucher dans un conduit unique par banc de cylindres. Le graissage était à carter sec, avec un radiateur d'huile monté sur le côté..

Aérodynamisme
La Jaguar D fut l'une des premières voitures au monde à exploiter les connaissances aérodynamiques acquises en particulier dans le domaine de l'aéronautique. La structure même de la D, avec la partie centrale monocoque, le carter sec permettant d'incliner le moteur et donc d'abaisser la ligne du capot ou encore le radiateur en deux parties, tout ceci permit à l'ingénieur Malcolm Sayer, transfuge de chez Bristol, de concevoir en soufflerie une carrosserie très fluide. Capot avant et ailes d'une seule pièce, avec petite ouverture ovale pour le refroidissement, phares carénés, pare-brise très enveloppant qui, dans un premier temps, ne protégeait que la place du pilote, dérive pouvant remodeler le dessin de l'appui-tête... ; même le rétroviseur était soigneusement profilé et, sur les dernières versions, l'échappement latéral fut supprimé pour passer sous la voiture.

Châssis
Lors des 24 Heures de 1987, la Jaguar de Win Percy effectua plusieurs tonneaux : la formidable capacité de résistance aux chocs du châssis - auquel le V12 était boulonné, constituant un élément porteur de la partie arrière de la structure - permit au pilote de s'en sortir sans une égratignure. Ce fut une excellente démonstration de la grande solidité du châssis monocoque dessiné par Southgate, fabriqué en fibre de carbone et matériaux composites à base de Kevlar. Le dessous de la voiture comprenait des venturis, alors autorisés par le règlement, destinés à provoquer un effet de sol. La construction de la carrosserie deux portes, deux places, était conforme à la réglementation des Championnats de Sport-prototypes ainsi qu'IMSA. CI-CONTRE : L'aileron arrière est le plus grand utilisé sur les XJR-9, et n'équipait donc pas la version destinée au Mans, munie d'un aileron beaucoup plus petit. L'inclinaison de la lame arrière est variable en fonction des circuits

Derrière un trio de Porsche 962 qui occupent les premières places sur la grille de départ des 24 Heures en 1988; la XJR-9LM de Lammers-Dumfries-Wallace s'apprête à s'élancer devant les deux autres Jaguar Silk Cut. Vingt-quatre heures plus tard, la n° 2 l'emportera.

Bien que classées seulement quatrième et seizième, les deux autres Jaguar XJR-9LM participent au triomphe de la voiture qui remporte l'épreuve, franchissant avec elle la ligne d'arrivée des 24 Heures du Mans en 1988.

Les Porsche 962C ne laissèrent aucun répit aux Jaguar et, à l'arrivée, la XJR-9LM gagnante possédait à peine un demi-tour d'avance sur la Porsche classée deuxième.

A la nuit tombante, les Jaguar ont engagé la bataille avec les Porsche usine, et la première place a changé vingt-deux fois de titulaire en moins de douze heures. Ici, la future gagnante sort du virage Ford qui commande la ligne droite des stands.

Le V12 atmosphérique comportait un dispositif d'échappement « six-en-trois », puis « trois-en-un », pour chaque rangée de cylindres. Les échappements étaient ensuite dirigés vers le haut afin de dégager les venturis. Le moteur était utilisé comme élément porteur des suspensions, avec un renforcement par des barres d'acier, que l'on distingue convergeant vers l'arrière depuis la cellule centrale.
Le triangle supérieur de suspension et le frein à disque avant sont visibles ici, sous la découpe de l'aile. Les freins à disque de fabrication AP étaient en fonte, avec pas moins de trente-deux ailettes de refroidissement qui n'étaient pas superflues, surtout pendant les 24 Heures du Mans.

Le moteur V12 de la Jaguar utilisait la base de la mécanique montée en série sur certains modèles de la gamme. Il y avait toutefois d'énormes différences entre le moteur 5,3 litres d'origine et celui de la XJR-9, à commencer par la cylindrée, portée à 7 litres (alésage * course : 94 mm x 84 mm). Le taux de compression atteignait près de 13 : 1. Bien que le moteur eût été considérablement renforcé (utilisant notamment des bielles en titane et un amortisseur de vibrations sur le vilebrequin), la configuration originelle avait été conservée, avec un unique arbre à cames par rangée de cylindres et seulement deux soupapes par cylindre; tous les moteurs concurrents étaient dotés de mécaniques plus sophistiquées.

Cette vue révèle la XJR-9LM sans carrosserie. Le gros moteur V12 est placé le plus au centre possible afin d'obtenir une bonne répartition des masses. De ce fait, l'avant du moteur pénètre légèrement dans l'arrière du réservoir central de carburant. Le résultat obtenu est excellent: 40-60 entre l'avant et l'arrière.

Ce moteur V12 n'est pas celui de la XJR-9LM, c'est le très moderne V12 de 5 litres étudié pour équiper la fameuse XJ13 à moteur central destinée à assurer, au Mans et ailleurs, la succession des Jaguar D à partir de 1960. Ce qu'elle ne fit jamais... Toutefois, ce moteur constitua la base du V12 en alliage d'aluminium d'abord utilisé sur les Type E V12, puis sur les XJ12 et XJ-S avant son extrapolation course réservée aux XJR.
De toute évidence, le moteur de la XJ13 était construit pour la course, comme en témoignent certaines f solutions mécaniques telle la commande des arbres à cames en tête par cascade de pignons et non par chaîne. Ce moteur délivrait 502 ch à 7 600 tr/mn, ce qui est à mettre en parallèle avec les 291 ch de la XJ-S V12 et avec les 745 ch du moteur de la XJR-9, d'une cylindrée de 2 litres supérieure à celle de ce moteur XJ13.

Extrait de "L'atlas des Bolides" des Editions Atlas