Reprise au Mans

Leurs flancs tendus souillés par plus de 5 300 km de course mais les douze projecteurs illuminés plus brillants que le soleil déclinant, le trio formé par les XJR-9LM achevaient leur dernier tour sous des gerbes de drapeaux agités par tous les spectateurs et les commissaires de piste.
« Dans ce dernier tour où nous dévalions en échelon la ligne droite des Hunaudières à 290 km/h au moins, je fus étonné par les commissaires. Ils avaient non seulement envahi la piste en brandissant leurs drapeaux mais, en plus, ils essayaient de toucher les voitures au passage ! »
Telle est l'image qui marqua l'Américain Davy Jones, pilote officiel de Jaguar cité par le magazine XJR en Angleterre.
Un autre, l'Irlandais Dereck Daly, raconta dans la même publication : « Je n'avais jamais connu d'événement aussi émouvant car j'ai passé les deux derniers tours à répondre aux saluts de la foule. Ce fut un moment merveilleux et si émouvant que certains dans les stands étaient en larmes... » L'un d'eux, Eddie Huickley, chef de l'équipe de la voiture victorieuse, dit que ses souvenirs de cette arrivée victorieuse sont « l'hymne national britannique joué quatre fois. Et Tom (Walkinshaw le terrible patron de l'écurie écossaise), la larme à l'oeil ». Tous les fanatiques de la course et, grâce à la télévision ils étaient des millions, qui ont vu Jaguar remporter ses sixièmes 24 Heures du Mans en 1988, ont dû être frappés par tous les changements survenus en trente et un ans, depuis la dernière victoire de la marque dans la Sarthe, mais aussi par ce qui n'avait pas changé.
Ce qui est demeuré, au Mans, c'est la passion pour la course elle-même et l'émotion de la victoire. Le retour de Jaguar dans les années 1980 dans cette épreuve de renommée mondiale reposait non seulement sur ses glorieuses victoires des années 1950, mais aussi sur les cinq de Bentley dans les années 1920 et en 1930, et sur celle d'Aston-Martin en 1959. La série des quatre triomphes de Ford-Amérique dans les années 1960 devait beaucoup aux conceptions, fabrication, préparation, gestion et capacités de pilotage des Anglais. L'épopée de l'endurance en France a toujours eu une signification spéciale pour les Britanniques et, même dans les années où une victoire anglaise était difficilement imaginable, des armées de supporters franchissaient encore la Manche au mois de juin pour brandir l'Union Jack.
Le grand changement, bien entendu, concernait la technologie, celle-ci n'étant pas d'ailleurs la seule responsable de l'énorme augmentation de vitesse et de sophistication des voitures.

Jan Lammers, copilote de la XJR 9LM n ° 2 gagnante, brandit l'Union Jack au milieu d'une horde de fanatiques britanniques acclamant le triomphe de 1988. Un pilote de Jaguar déclara que certains commissaires de pistes étaient si heureux de cette victoire qu'ils s'avancèrent jusqu'à toucher les voiturer qui passaient encore à 290 km/h devant leur porte lors du dernier tour. Après trente et un ans de lent déclin et de patiente reconstruction, le fauve de Coventry était revenu au sommet du sport automobile mondial.

Dans les années 1950, personne dans le monde de la course ne pouvait imaginer l'électronique embarquée, les ordinateurs dictant la stratégie à suivre depuis les stands, les retransmissions en direct et en couleur par satellites. Il y avait bien la radio à l'époque mais, en 1951, la petite expédition des gens de Coventry en France avait eu recours à un télégramme envoyé manuellement pour faire connaître à la reine la grande victoire britannique. En 1988, Sa Majesté aurait regardé la télévision et couru avec « ses » pilotes, observant par-dessus leur épaule la ligne droite des Hunaudières avalée à plus de 370 km/h.
La haute technologie avait touché les pilotes euxmêmes. Au matin de la course, en 1953, William Lyons avait restauré la forme physique de Duncan Hamilton et de Tony Rolt en leur faisant avaler un sérieux mélange de café noir et de cognac pour les aider à dissiper leur gueule de bois avant de courir pour lui ... et de gagner.
En 1988, l'équipe Jaguar forte de plus de cent personnes comprenait des moniteurs de remise en forme professionnels et des nutritionnistes. Avant et pendant la course, l'équipe des quatorze pilotes soigneusement préparés avait été scientifiquement nourrie avec un régime composé de yoghourts, de céréales et de pâtes. Naturellement, ils bénéficiaient de motos-homes confortables et isolés du bruit pour se reposer. Lorsque venait le moment de prendre le relai, révéla XJR, le pilote était « réveillé doucement, tension et rythme cardiaque étaient vérifiés et il s'exerçait quelques minutes sur une bicyclette d'appartement pour s'échauffer » . Avant d'être autorisé à se sangler dans son bolide capable de dépasser les six kilomètres à la minute, il devait affronter un entraîneur au cours d'un simulacre de combat de boxe pour « vérifier ses réflexes et sa vigilance... pas question de faire courir un somnanbule » . Telle fut l'ambiance dans les coulisses au-delà de l'image des drapeaux., des éclairs, des flashes et des jaillissements du champagne.
Mais notre sujet, ici, reste en priorité les voitures et cette génération de Jaguar regorgeant de détails technologiques étonnants.
Les voitures XJR de construction britannique du Tom Walkinshaw Racing étaient sur de nombreux points semblables à celles de Group 44 de Bob Tullius aux ÉtatsUnis, mais cette apparente similitude ne provenait pas d'un plagiat. En fait, il n'y eut pas beaucoup de coopération entre ces équipes rivales. Généralement, toute duplication se traduisait par des solutions logiques similaires aux mêmes problèmes techniques. Mais il y avait de nombreuses différences entre les voitures. La plupart d'entre elles provenaient non seulement d'une approche et de ressources différentes, mais aussi des diverses réglementations émises par les autorités sportives américaines et européennes.
Le Groupe C de la FIA, créé pour 1982, s'appliquait à des véhicules fondamentalement du même type et de même conception que le groupe IMSA/GTP un peu plus ancien, mais aucune voiture répondant à ces définitions ne pouvait courir dans l'autre série sans être modifiée. Dans le chapitre précédent, nous avions noté que les règles applicables au dessous des coques générateur d'effet de sol des voitures européennes (appelé parfois « fond plat ») étaient

La première Groupe C de TWR, la XJR 6 apparut en 1985. Elle avait un V12 simple arbre de 6.2 litres et une livrée British Racing Green (petite photo). Notez les bavolets de roue arrière renforçant l'effet de sol. Révisée pour 1986, avec un V12 de 6.5 litres et une nouvelle finition (grande photo), elle gagna à Silverstone mais ne put terminer au Mans.

plus restrictives. D'autre part, la FIA autorisait le montage d'un aileron nettement plus efficace bien avant l'IMSA. Les voitures Groupe C pouvaient peser 850 kg contre 900 minimum en IMSA. Les moteurs européens étaient pratiquement sans limite, pouvant à la fois être de grosse cylindrée et suralimentés. Les règlements américains étaient plus restrictifs mais sujets à des révisions constantes par une IMSA très concernée par le maintien d'un juste équilibre entre les marques.
La FIA affrontait le même problème au moyen d'une philosophie différente en matière de consommation. Si, en IMSA, la qualité et le quantité d'essence étaient pratiquement libres (mais la quantité embarquée était limitée à 120 litres), le Groupe C n'emportait que 100 litres et l'indice d'octane ne dépassait pas 102. En outre, la consommation ne devait pas dépasser 51 litres aux 100 km en course. La nécessité d'économiser influait sur les performances. Ainsi, à l'exception des qualifications ou de sprints brefs pendant la course, moments où la pression du turbo pouvait être relevée temporairement sans mettre en péril la consommation globale, les pilotes disposant des moteurs FIA théoriquement libres avaient peu, sinon pas du tout, de puissance supplémentaire par rapport à leurs collègues IMSA.
Comme nous l'avons vu, Walkinshaw avait fondé ses bonnes relations avec Jaguar en remportant le championnat d'Europe des voitures de tourisme 1984 avec son écurie de coupés XJ S préparés. L'ambitieux, par la force des choses, « Major Tom »prit contact avec Coventry en vue d'un soutien pour courir en Groupe C, pratiquement en concurrence directe avec Tullius. Son atelier de Kidlington, Oxfordshire, commença l'élaboration d'une pure voiture de course en novembre 1984. Comme cela précédait la GTP deuxième génération de Group 44, la voiture britannique reçut la désignation XJR 6, le 7 étant attribué au modèle américain. Les hommes de Walkinshaw entretinrent même l'espoir de courir au Mans au mois de juin suivant.
Primitivement issu des travaux de Tony Southgate, ingénieur anglais réputé pour ses réalisations non seulement en Groupe C mais aussi en Formule 1 et à Indianapolis, la voiture de TWR était semblable dans ses grandes lignes à celle de Dykstra pour Group 44. Conçue dès le départ comme un autre coupé fermé et, bien entendu, à moteur central, elle utilisait aussi le gros moteur Jaguar V12 comme élément structurel complété seulement par quelques tubes formant entretoises. Le carburant, d'après le règlement, devait aussi être logé entre le cockpit et le moteur.
Cependant, Southgate s'écarta de Dykstra en donnant à la voiture de TWR un seul grand radiateur tout à l'avant. Peut-être avait-il eu connaissance des ennuis successifs de Group 44 causés par une surchauffe du circuit de refroidissement monté au centre, mais il cherchait aussi à charger le plus possible le train avant.

Jaguar revint en 1987 avec la XJR 8. Avec une courre augmentée (7 litres), le v12 donnait environ 720 ch, soit 20 de plus que le 6,5 litres. On le voit ici dans sa livrée du Mans. Cette XJR 8LM avait perdu ses bavolets pour faciliter les changements de roues au prix d'une petite perte de vitesse -et d'appui, mais d'autres raffinements aérodynamiques compensaient en partie ce sacrifice.

L'ingénieur de TWR oeuvrait aussi en fonction des réglements FIA plus libéraux en ce qui concernait les dimensions de l'habitacle, ce qui lui permit de dessiner, pour la XJR 6, un cockpit plus étroit, plus aérodynamique et plus lisse. L'élimination des remous amena aussi à fermer les passages de roue par des bavolets rappelant un peu ceux de la XK 120 de série de 1948. Ceux de la machine de 1985 ne devaient, bien entendu, rien au style car l'étude de la nouvelle carrosserie intégra un grand nombre d'heures de soufflerie consacrées à des modèles au cinquième.
Cette carrosserie reçut un arrière tronqué et une allure étonnante et peu conventionnelle. Évidemment après cette série d'essais, elle s'était révélée très aérodynamique et l'énigme tenait au fait que la partie visible de la forme avait moins d'importance que la partie invisible. Southgate le confirma dans un livre, Jaguar XJR, par Ian Bamsey : « La forme générale de la carrosserie fut conçue initialement pour favoriser l'effet du fond plat et de l'aileron arrière. » En d'autres termes, le dessus de la carrosserie avait pour fonction principale de diriger l'air au maximum sur l'aileron dont le rôle essentiel consistait à créer une dépression derrière la voiture afin d'aspirer l'air des extracteurs inférieurs de coque et d'augmenter l'appui.
En fait, l'ingénieur accordait tant d'importance à l'écoulement sous la coque que, par un paradoxe apparent, il conçut la carrosserie de base plus étroite que le maximum autorisé par le règlement. En Groupe C, la largeur maximale était de 2 mètres. A l'ère moderne de l'effet de sol, une voiture plus large vire mieux, mais de nombreux essais avaient démontré à Southgate que des extensions plates projetées à la base des flancs de coque freinaient l'entrée de l'air extérieur aspiré vers les extracteurs, ce qui les rendaient plus efficaces. Il réduisit donc l'encombrement de la caisse de la XJR 6 à 1,9 m afin d'incorporer ces extensions. Naturellement, une voiture plus étroite devait être plus rapide en ligne droite. Southgate avait réalisé un de ces compromis dont rêvent tous les concepteurs de machines de course : obtenir un avantage sans rien sacrifier.
De même, les autres dimensions de la nouvelle Jaguar découlèrent des calculs plus que des règlements. La hauteur maximale était de 1 030 mm ; la longueur maximale de 4,8 m, y compris l'aileron. Cotes suffisantes, mais une autre clause limitait les porte-à-faux avant et arrière. La règle stipulait que leur total ne pouvait excéder 80 pour cent de la valeur de l'empattement. Règle peu claire mais importante , car les porte-à-faux ont des conséquences directes sur l'aérodynamique des machines de compétition modernes. Cependant, la longueur du moteur Jaguar, en déterminant un empattement de 2 780 mm pour la XJR 6, laissa une marge de 21 bons centimètres de porte-à-faux inexploité.
Prenons le temps de respirer un moment et de nous demander quel vocabulaire serait venu à l'esprit de ceux qui créèrent les petites, simples et si élégantes Jaguar Type C et D pour exprimer leur opinion sur les plus récentes contraintes imposées par les règlements.
Mais la science de la course progresse et Tony Southgate réussit à contourner les règles pour exercer pleinement ses talents de créateur. En concevant le reste de la voiture, il exploita au maximum l'un des points de discussion entre Walkinshaw et Jaguar, la disponibilité immédiate en Angleterre des techniques les plus avancées de la Formule 1. D'après la publicité du constructeur, la machine de TWR fut la première voiture de sport-compétition moderne dotée d'une cellule-châssis « tout plastique ». Les matériaux réellement utilisés furent des composites très élaborés empruntés aux techniques aérospatiales, comme la fibre de carbone, le Normex et le Kevlar. En fait, la structure comporte encore quelques éléments en métal, comme de l'aluminium en nid d'abeilles dans certaines cloisons et des tubes d'acier pour la protection de l'habitacle. N'oublions pas non plus cette Type D expérimentale qui ne courut jamais et qui fut apparemment construite majoritairement en fibre de verre par Jaguar dans les années 1950, ainsi que plusieurs Chaparral américaines à coque en fibre de verre qui furent très compétitives dans les années 1960.
Tout propagande mise à part, l'architecture de la XJR 6, extrêmement robuste et indéformable, constituait certainement un grand pas en avant. Il faut noter avant tout la façon dont le concepteur profita d'un avantage résultant de la technique du châssis moulé en forme. Pour obtenir un bon équilibre, Southgate voulait avancer au maximum là masse et le volume du moteur. En même temps, les règles de sécurité exigeaient que les pieds du pilote soient en arrière de l'axe des roues avant et que le réservoir d'essence soit protégé au milieu de la voiture, derrière lit cockpit.
Certes, le réservoir réglementaire de la FIA offrait 17 pour cent de capacité en moins que celui de l'IMSA, mais l'implantation de tous ces éléments entraînaient une sorte de volume de réserve dans le réservoir pour loger le moteur. La fabrication d'une structure spéciale enveloppant l'avant du V12 aurait été difficile en métal, mais l'emploi des composites stratifiés simplifia le problème.
En programmant son moteur Groupe C, TWR avait tout loisir de suralimenter le V12, mais le motoriste de l'équipe, Allan Scott, conclut que le rapport performance/ consommation serait plus favorable avec un moteur atmosphérique. L'autre option était représentée par un nouveau type de culasse. TWR utilisa une des XJR 5 de Group 44 comme mulet d'évaluation d'un moteur à quatre soupapes par cylindre. Malgré un supplément de chevaux et une consommation moindre, les 48 soupapes et 4 ACT augmentaient sensiblement la masse du bloc déjà considéré comme

La XJR 8 fut la Jaguar la plus souvent victorieuse au cours de ces dernières années. TWR gagna le titre mondial en 1987 et engagea trois XJR 8LM au Mans cette année là.

important et encombrant. Scott demeurait confiant dans la capacité de la culasse simple arbre à deux soupapes parallèles à offrir un bon écoulement de l'air et des gaz brûlés. Comme l'écurie américaine, TWR avait confiance dans l'« ancienne » culasse après plusieurs années de succès en compétition avec les XJ S. Si bien que la XJR 6 de TWR apparut avec un moteur très proche de celui de Group 44. Les apparences sont néanmoins trompeuses car les vraies culasses avaient une particularité interne mais secrète. TWR refusa toujours de révéler les détails relatifs aux chambres de combustion, aux conduits et aux systèmes d'étanchéité aux gaz.
La majorité des données est connue. Le moteur Groupe C 1985 avait 92 mm d'alésage pour 78 mm de course donnant une cylindrée de 6 222 cm3. Le bloc provenait des Jaguar de série, mais Scott l'avait fait modifier sur certains points et le nouveau vilebrequin était porté par des chapeaux de paliers en acier à quatre boulons plus robustes que ceux de série, comme sur la XJR 5 série B de Croup 44, la voiture de TWR présentait des extracteurs mieux conçus grâce au repositionnement du démarreur à l'avant du moteur. Le poids du groupe, y compris l'embrayage tri-disque, était de 250 kg officiellement mais cette valeur reste très optimiste. Le système de gestion électronique du moteur, produit par Zytek, reprenait les techniques de la Formule 1. Avec 12 à 1 de compression, la puissance annoncée était de 660 ch à 7 000 tr/mn avec zone rouge à 7 600.
Jusque-là, ce sont des valeurs normales pour les Jaguar GTP et, lorsque les deux premières Groupe C apparurent pour leur première course, les poids réels étaient conformes à ceux de l'IMSA : 910 et 895 kg respectivement, soit bien au-dessus du minimum FIA.
Le Mans ne fut pas la première course. Lorsque tous les composants de grande qualité d'exécution, provenant pour la plupart de fournisserus extérieurs et de fabricants spécialisés, furent réunis, on était en juillet. Mais les deux XJR 6 furent prêtes en août pour la course canadienne de Mosport Park. Les voitures britanniques toutes neuves, encore peintes en British Racing Green à ce stade, se comportèrent vaillamment aux Amériques. L'une se qualifia en troisième position derrière deux Porsche 962 suralimentées et mena la course pendant dix tours avant d'abandonner sur défaillance d'un roulement de roue. La seconde Jaguar termina en troisième position sur onze cylindres.
II y eut deux autres courses en Groupe C en 1985. L'une des nouvelles Jaguar ne prit que la cinquième place dans l'une mais finit valablement deuxième dans la finale. Aucune victoire mais, globalement, les résultats furent assez encourageants pour que Jaguar et TWR vivent une bonne inter-saison consacrée à la retouche et au raffinement d'un type de voiture absolument prometteur.

Une XJR 8LM atteignit 392 km/h sur les Hunaudières en 1987 mais sur les trois voitures engagées, l'une fut accidentée, la deuxième cassa et la troisième prit une médiocre cinquième place.

Priorité fut donnée au dégraissage. Les trois voitures de 1985 avaient été construites lourdement. Southgate reprit ses calculs de structure et découvrit des endroits où son inexpérience des matériaux l'avait rendu trop prudent. En utilisant des épaisseurs moindres de composites en cer
nes zones de la coque, en revenant à la fibre de verre au lieu de matériaux plus complexes dans la carrosserie et même en réutilisant parfois l'aluminium, il réussit à gagner 9 kg. Les motoristes en rendirent à peu près autant et le poids du moteur s'établit à 240 kg. Après réassemblage, les deux nouveaux châssis 1986, toujours désignés XJR 6, affichèrent 851 et 855 kg en configuration « sprint » (course sur courte distance). Avec certains équipements nécessaires pour Le Mans, le poids approcha 870 kg.
Jaguar, cette fois, visait Le Mans avec une configuration spéciale faible traînée/appui réduit de la forme aérodynamique de base. Dans cette version subtilement retouchée en carrosserie et au niveau du système aérodynamique, la voiture fut désignée XJR 6LM.
La révision ne s'arrêta pas là, car les modifications mécaniques furent légion pour 1986. L'augmentation de l'alésage à 94 mm porta la cylindrée à 6 495,6 cm3 et, avec quelques perfectionnements, la puissance atteignit environ 700 ch à 7 300 tr/mn. Le moteur rajeuni était nourri par une nouvelle prise d'air de toit. Moins visibles, d'autres améliorations touchaient la gestion électronique du moteur, la boîte à cinq rapports fabriquée par March, les freins et la suspension et même le réservoir d'essence.
Plus largement, TWR et Jaguar affinèrent leurs méthodes de collaboration. A Coventry, le nouveau centre d'études de l'usine à Whitley était en activité et susceptible d'assurer un ensemble de services, depuis les essais de fatigue des éléments de suspension jusqu'au rodage des plaquettes de frein. A Kidlington, désormais équipé pour fabriquer la plupart des éléments des voitures, tout élément hautement sollicité reçut un numéro de série de façon à être suivi durant toute sa durée de vie par procédé informatique. Décorées en blanc cassé, or et violet aux couleurs d'un nouveau sponsor, les XJR 6 deuxième génération débutèrent la saison à Monza où elles se montrèrent compétitives en vitesse face aux Porsche, Sauber-Mercedes et Lancia, malgré leur abandon sur une épreuve de 350 km. Mais la deuxième manche de la série, une course de 1 000 km, s'acheva par une victoire. Le circuit de Silverstone, un ancien aérodrome, avait connu trente-sept ans avant le succès des XK 120. Cette victoire de Jaguar était la première dans une compétition internationale pour voitures de sport depuis Le Mans en 1957.
En 1986 au Mans, une des trois XJR 6LM engagées, spécialement profilée pour réaliser la plus haute vitesse en ligne droite, fut chronométrée à 353,6 km/h, chiffre impressionnant, à près de 80 km/h de plus que l'ancienne Type D,

la plus rapide de son espèce à l'époque. Mais la XJR-6

Jaguar revint au Mans en 1988 avec la XJR 9LM, son V12 de 7 litres donnant jusqu'à 740 ch sur les circuits européens. La voiture était plus acceuillantes pour ses pilotes dont Johnny Dumfries (au centre) et Lammers (à droite).

Après des victoires à Daytona Beach, Monza et Silverstone, Jaguar attaqua au Mans avec cinq XJR 9LM, 14 pilotes et une équipe totalisant 110 personnes. Face aux Jaguar, on trouvait 11 Porsche, 4 Nissan, 2 Toyota et 2 WM. Des problèmes de pneus éliminèrent les 2 Sauber-Mercedes.

était plus lente de 17 km/h qu'une Porsche. Dépassée déjà ? Pas forcément. Ces vitesses furent relativisées par le fait qu'une autre XJR 6LM, à l'évidence réglée pour un maximum d'appui, et qui ne pouvait dépasser 341 km/h sur les Hunaudières, réussit un meilleur temps au tour que son homologue. Cela ne faisait aucun doute : même sur la très longue ligne droite des Hunaudières, la vitesse absolue n'était plus une priorité, et juger une voiture sur ce seul critère ne signifiait rien. La vitesse maximale d'une voiture n'était pas inhérente à sa conception d'ensemble mais dépendait de la façon dont son équipage la réglait.
Pour leurs premières « 24 Heures », les XJR 6 se comportèrent de façon encourageante face aux Porsche mais aucune ne tint les vingt-quatre heures. Et ce fut essentiellement ce qui se passa lors des neuf autres épreuves de la saison : des places d'honneur mais pas de victoires.
TWR aborda la saison 1987 après avoir révisé sa copie : Jaguar fit état de 64 « modifications significatives », si bien que la désignation devint XJR 8. Trois voitures nouvelles avaient été construites, toutes selon la même configuration de base, mais le nid d'abeilles d'aluminium remplaçait les composites. En revanche, la carrosserie revint au Kevlar. Elle conservait ses lignes mais avec une aérodynamique améliorée sur certains points et, en fonction des nouvelles règles de sécurité, les portes étaient classiquement articulées à l'avant et non plus du type papillon. Pour accélérer les changements de roue, les bavolets arrière furent supprimés en 1987. Cette modification entraîna une légère perte de vitesse et d'appui compensée par les quelques raffinements apportés ailleurs.
Sous les nouvelles apparences, le reste des soixante quatre améliorations comportait des pneus Dunlop compétition de nouvelle génération à carcasse diagonale, mais désormais à nappes en Kevlar. Comme les pneus radiaux, ils conservaient leur diamètre malgré la force centrifuge, si bien qu'à grande vitesse ils ne modifiaient pas la hauteur d'assiette indispensable à une voiture à effet de sol. Pour contrôler leur bonne santé, un système de contrôle de température à infra-rouge fut installé dans chaque passage de roue. Parmi d'autres détails, certaines économies de masse avaient été réalisées si bien que pour les sprints, les voitures devaient emporter du lest afin d'atteindre le poids minimal imposé soit 850 kg. Cependant, en configuration Le Mans, la masse avait augmenté de 10 kg, à environ 880 kg.
En réalité, le type XJR 8LM était encore plus spécialisé qu'auparavant car produit par un département de TWR chargé de cette mission. Pour remédier au problème des joints de transmission qui se déconnectaient des roues arrière, problème qui affectait aussi en même temps des voitures d'Indianapolis utilisant aussi des transmissions March, les ensembles moteurs-boîtes des Jaguar d'endurance

Les Jaguar dépassaient 385 km/h sur les Hunaudières mais une WM fut chronométrée à plus de 400 et les trois Porsche Turbo se qualifièrent devant les XJR 9LM. Mais les épreuves d'endurance sont rarement gagnées en fonction de la vitesse pure ou de la place sur la grille.

furent relevés à l'arrière. L'angle pris par les demi-arbres fut réduit et les joints subirent moins de contraintes angulaires au prix d'un rehaussement du centre de gravité du moteur de 25 mm environ. Cette valeur peut paraître faible mais pas aux yeux des pilotes. En plaçant leur voiture dans les courbes à grande vitesse, ils se plaignirent d'avoir la sensation que le 8LM essayait de projeter son moteur pardessus leurs épaules. Leurs employeurs répondirent simplement que « tenir » vingt-quatre heures était plus important que « s'amuser » vingt-quatre heures.
Mais les pilotes pouvaient justement s'amuser avec des moteurs plus musclés. Une course portée à 84 mm amena la cylindrée à 6 995,3 cm3. Le gain réel ne se situa pas dans la puissance maximale (20 ch environ de plus), mais dans le couple aux régimes moyens. L'année précédente, les moteurs 6,5 litres délivraient 78,6 mkg, alors que les 7 litres affichaient 83 mkg à 5 250 tr/mn. L'ensemble de la courbe de couple était très plat, d'où un moteur plus facile imposant moins de changements de rapports et susceptible d'être mené à des régimes inférieurs pour limiter la consommation.
Facteur toujours important, bien que les moteurs non suralimentés comme le Jaguar aient bénéficié d'un changement de réglementation pour 1987. Auparavant, la valeur limite de l'indice d'octane, 102, avait été complètement exploitée par d'habiles chimistes qui utilisèrent au maximum le toluène pour concocter un « carburant d'enfer » plus dense et plus antidétonant que le super de la pompe. Ces propriétés favorisaient particulièrement les moteurs turbo, et Walkinshaw émit des réclamations. Le retour au carburant du commerce pour tout le monde amputa les puissances, mais moins chez Jaguar que pour les écuries utilisant les turbos. En fait, et malgré la médiocrité relative du carburant, le rapport volumétrique du V12 atteignait maintenant 12,8 à 1.
Toute cette cuisine technologique peut sembler superflue, mais les résultats furent saisissants : pas moins de huit victoires pour Jaguar en 1987 sur dix courses, plus le championnat du monde FIA par équipes en sport. L'un des pilotes, le Brésilien Raoul Boesel, devenait champion du monde des conducteurs de voitures de sport.
Hélas ! la courte liste des échecs comprenait Le Mans. Une fois de plus, les Jaguar se révélèrent rapides, jusqu'à 365 km/h sur les Hunaudières (un pilote de 8LM rapporta qu'il avait lu 392 km/h) mais moins fiables. En course, une voiture fut gravement accidentée sur éclatement d'un pneu à la vitesse maximale. Le châssis démontra son immense robustesse et le pilote s'en sortit tout seul, un peu « sonné » quand même. Une autre Jaguar abandonna sur bris de culasse. La troisième aussi connut des problèmes mécaniques, mais réussit à terminer cinquième.
Le Mans était décidément une épreuve coriace. Il y eut saris doute un ou deux anciens de Coventry pour regretter le bon vieux temps où la course paraissait plus facile. Mais les esprits bagarreurs aiment la course précisément parce que le défi est permanent. Toute l'équipe concernée attaqua un autre hiver anglais de travail acharné.
Une fois de plus, la FIA avait émis un ensemble de règles révisées et désormais, en 1988, TWR devait compter aussi avec le règlement IMSA. Ayant repris le flambeau de Jaguar en Amérique du Nord de Group 44, Walkinshaw créa une base nouvelle à Valparaiso, Indiana, ville universitaire située dans le coin nord-ouest de l'État, non loin de Chicago. Pour simplifier la logistique, il chargea Southgate de fournir à l'écurie américaine des voitures ayant le plus possible de pièces communes avec la version européenne. D'où certains compromis.
La Jaguar 88 dériva encore des types antérieurs, mais les changements furent suffisamment importants pour justifier une nouvelle désignation : XJR 9. Les types GTP et Groupe C étaient en fait très semblables et, pour Le Mans, deux voitures IMSA seraient temporairement rendues conformes au règlement FIA.
Les dimensions des roues constituaient une différence majeure entre les réglementations des deux autorités sportives : l'IMSA imposait une dimension de jante unique entre l'avant et l'arrière, alors que les Jaguar FIA avaient utilisé des roues de 17 pouces à l'avant et de 19 pouces à l'arrière. Il était hors de question de monter des roues plus grandes à l'avant et Southgate, pour harmoniser les dimensions, dut redessiner les suspensions arrière et la carrosserie en fonction des nouvelles dimensions des roues et des pneus. Ces modifications affectèrent les volumes utilisés pour des extracteurs d'air, mais il eut la satisfaction de ne rien perdre sur ce point car, par coïncidence, le réglement du Groupe C avait imposé la réduction de ces volumes afin de diminuer l'appui. Cependant les roues arrière plus petites entraînaient un abaissement de la ligne supérieure de la caisse et réduisaient la traînée. (Dans le même but, il réinstalla les bavolets arrière pour la saison 1988.) La conséquence la plus importante résultant de l'adoption des roues plus petites concerna le moteur, qui, dans la version LM, retrouva sa hauteur d'origine sans nuire aux transmissions. L'abaissement du moteur coupa court aux réclamations des pilotes quant à la maniabilité. Une fois de plus, dans ce grand marchandage technique que représente la définition d'une voiture de compétition, Tony Southgate avait gagné.
Il y eut aussi une autre règle significative dans le domaine structurel : pour 1988, la FIA imposa l'agrandissement du « fond plat » de la voiture à 900 mm de longueur et sur la totalité de la largeur, soit 2 000 mm. Southgate dut réviser son châssis en composites et, en même temps, il en profita pour avancer légèrement la paroi antérieure du réservoir central. Le gain en volume permit d'emporter les

Une Jaguar heurta une Porsche en course ; elle fut réparée et continua. Trois XJR 9LM connurent des problèmes de moteurs et de boîte ; deux abandonnèrent, une fut très retardée. Les survivantes se battirent jusqu'à la fin.

20 litres supplémentaires autorisés par l'IMSA. Mais ces modifications étaient si peu importantes que, dans certains cas, les mécaniciens fabriquèrent les « nouvelles » voitures en partant des anciennes.
Ils découvrirent aussi que les autres corrections dictées par les autorités FIA/IMSA étaient faciles à appliquer
adjonction d'un lest pour atteindre les 50 kg supplémentaires demandés par l'IMSA, montage d'un dessous de coque différent avec des extracteurs plus généreux autorisés par l'IMSA (qu'il fut encore possible de positionner dans l'espace dégagé par les roues de 17 pouces), changement des ressorts et des amortisseurs à gaz en fonction des circuits nordaméricains au revêtement moins lisse, renforcement de la boite de vitesses pour la même raison. Par la suite, les voitures IMSA adoptèrent les freins tout carbone de la Formule 1 pour mieux affronter les virages généralement plus serrés des circuits américains.
Côté moteurs, la cylindrée européenne resta limitée à 7 litres, mais diverses améliorations portèrent la puissance à 740 ch, voire davantage (jusqu'à 830 selon certaines sources), avec un moteur double arbre quatre soupapes deuxième génération. Beaucoup plus efficace que le 48 soupapes essayé auparavant, ce moteur ne pesait que 8 kg de plus que la version simple arbre. TWR essaya ce groupe lors d'une course en début de saison mais des résultats mitigés firent abandonner le projet.
Aux États-Unis, où Group 44 avait couru brièvement avec son propre 7 litres l'année précédente, les nouvelles règles 1988 ramenèrent le Jaguar à 6 litres. L'opération fut simplement réalisée en revenant aux cotes habituelles 94 x 72 mm et, en portant le rapport volumétrique à 13,5 à 1 afin de profiter du carburant IMSA, TWR réussit à obtenir 670 ch à 7 500 tr/mn. Le couple était de 73 mkg à 6 250 tr/mn.
Les deux versions de la XJR 9 furent équipées d'un nouveau carter de transmission fabriqué par TWR mais conservant la pignonnerie March à cinq rapports. Parmi les autres retouches apportées à la voiture pour améliorer sa fonctionnalité, notons les rétroviseurs à réglage électrique.
Sur les versions LM, les révisions permirent d'abaisser le poids à 855 kg. Comme avant, les carrosseries LM étaient facilement identifiables à leur partie frontale dotée de quatre projecteurs et à l'absence d'ouïes de décompression, au-dessus des ailes avant. Un examen plus attentif révélait l'absence de lèvre au bas de l'avant et le montage de l'aileron plus bas au-delà de l'arrière. Les extracteurs de dessous de coque furent redessinés pour donner moins d'appui. 'Comparée à la configuration « sprint » , la XJR 9 version Le Mans subissait une charge aérodynamique égale a la moitié de la charge antérieure quelle que fût la vitesseCette perte était compensée, bien entendu, par une traînée réduite.

" Notre première tâche consista à tenir toute la nuit, expliqua Tom Walkinshaw. Après quoi, nous avons monté la pression juste un petit peu...juste un petit peu...et quand les pilotes des Porsche ont voulu lever le pied, comme à leur habitude, on ne les a pas laissé faire. "

La saison nord-américaine connut un départ en fanfare à Daytona Beach, en janvier, où une Jaguar mit un terme à la série de onze victoires successives de Porsche dans cette épreuve de vingt-quatre heures pour GTP. Un peu moins brillant, mais un peu seulement, fut le début de la campagne européenne en mars, à jerez, en Espagne, où l'équipe Groupe C finit deuxième derrière une Sauber-Mercedes. Mais une semaine plus tard, à Jarama, Madrid, TWR renoua avec la victoire. Les Jaguar s'octroyèrent Monza et répétèrent leur succès à Silverstone. L'écurie était prête pour l'assaut sur Le Mans.
Et quel assaut ! L'équipe IMSA apporta deux voitures converties au règlement FIA pour un total de cinq XJR 9LM en course. Plus une voiture de rechange sur une remorque bâchée. Le bataillon TWR atteignait 110 personnes dont 14 pilotes, sans compter les services et l'intendance. Face à l'armée britannique, il n'y avait pas moins de onze Porsche, quatre Nissan, deux Toyota et deux WM françaises. Les Sauber-Mercedes, considérées initialement comme une menace, durent se retirer en raison de problèmes de pneus aux essais.
Les Jaguar connurent aussi des problèmes de pneus mais dans une moindre mesure. Cette situation est particulièrement révélatrice de la complexité d'une machine de Course moderne. Pour l'épreuve de 1988, la ligne droite des Hunaudières avait reçu un nouveau revêtement et la nouvelle chaussée était tellement lisse qu'elle permit d'abaisser encore les voitures pour une meilleure tenue de route et un effet de sol plus puissant. Tout cela semblait très positif sinon que, même en configuration à faible appui aérodynamique, la XJR 9LM avalait la ligne droite si vite qu'elle s'écrasait davantage qu'auparavant. Les pauvres pneus chauffaient au point de faire des cloques. Contrairement à Sauber, qui subit un éclatement, TWR fut en mesure de contrôler la température en augmentant la pression. Quelle était la vitesse des dernières Jaguar au Mans ? Un des pilote lut 392 km/h ; une autre source indiqua 387 km/h bien que le propre concepteur de la voiture ait jugé ces valeurs un peu optimistes. Comme avant, la vitesse n'était pas l'objectif principal, ni sur la ligne droite ni ailleurs sur le circuit. TWR ne s'inquiéta pas d'apprendre qu'une WM avait été chronométrée à plus de 400 km/h sur les Hunaudières. Ni que les trois Porsche à turbo (vitesse maximale annoncée 390 km/h) tournaient plus vite aux qualifications que la meilleure Jaguar, la reléguant à la quatrième place sur la grille. Mais la position de départ n'avait rien à voir avec le résultat dans une épreuve de vingt-quatre heures où le facteur consommation était primordial.
La compétition en endurance a été comparée à une guerre et Le Mans 1988 en eut tout le caractère. Une fois de plus, les principaux acteurs se nommaient Jaguar et Porsche et la bagarre commença dès le départ. Les voitures

La tension était si forte que le président de Jaguar, sir John Egan, dut sortir du stand. " J'ai pensé que toute la course avait démontré l'esprit incroyablement combatif des Porsche, dit-il. Il n'ont jamais baissé les bras... "

allemandes les plus rapides conservèrent leur avantage pendant plusieurs tours, mais l'un des pilotes les plus rapides de l'équipe britannique, le Hollandais Jan Lammers, bondit soudain de sa sixième place pour prendre la tête. Mais l'une des Porsche percuta la Jaguar de tête à l'arrière et démolit la carrosserie. Pour ne pas perdre de temps, les mécaniciens de Walkinshaw refixèrent les éléments à l'adhésif. Quelques heures plus tard une pierre fendit le pare-brise de la même XJR 9LM. II fallut cette fois le remplacer mais les mécaniciens réussirent l'opération en un temps record.
La guerre fit rage toute la nuit, dans la brume de l'aube et pendant une tempête de pluie en milieu de matinée. Une des Porsche les plus menaçantes tomba en panne sèche et perdit deux tours, tandis que les autres connaissaient quelques difficultés. Mais trois Jaguar furent retardées par des problèmes de moteur et de boîte : deux 9LM durent abandonner ; une autre perdit un temps considérable. Il y eut aussi d'autres incidents comme des plaquettes ou des roues bloquées lors des arrêts au stand. Mais les voitures survivantes tenaient le coup et, cette fois, les gens de Jaguar étaient bien décidés à gagner.
« Notre premier objectif était de passer la nuit sans problème, expliqua Tom Walkinshaw au magazine XJR. Après nous avons monté la pression, un petit peu... et lorsque les pilotes Porsche ont voulu lever un: peu le pied comme à leur habitude, on ne les a justement pas laissé faire. »
« Il y avait deux fronts en réalité : celui, matériel, entre les voitures ; l'autre, psychologique, entre les deux directions de stand, dit le major Tom. Nous savions tout le temps qu'il fallait pour être constamment sur le dos des Porsche. La seule façon de gagner consistait à courir contre eux. »
Pour le président de Jaguar, sir John Egan, présent dans les stands TWR, la tension était extrême. « Il a fallu que je m'éloigne un moment, c'était insupportable, » dit le promoteur, du retour de Jaguar à la compétition sur les circuits et ailleurs. « Je voyais que toute cette course démontrait l'esprit incroyablement combatif de Porsche. Ils n'abandonnèrent jamais en attaquant tout le temps. »
Mais pas assez, finalement, pour battre les Britanniques. Pilotée par Lammers, Johnny Dumfries et Andy Wallace et précédant ses deux coéquipières survivantes aux quatrième et seizième places, la Jaguar gagnante XJR 9LM n2 passa la ligne d'arrivée après 394 tours et 5 334,96 km en 24 heures 3 minutes 8 secondes et 25/100 de course. Son écart sur la Porsche suivante était inférieur à trois minutes. Une très grande victoire en soi, car elle rompait sept années de domination des Porsche au Mans. Mais, pour les fanatiques britanniques pleurant d'émotion, la gorge nouée en agitant leurs drapeaux, c'était bien plus : la démonstration absolue qu'après trente et un ans de lent déclin et de patiente reprise, le félin de Coventry avait regagné le sommet du sport automobile mondial.
Mais le sport continue, comme la vie, et, quelques jours plus tard, l'équipe TWR se préparait à une prochaine bataille !
Les Porsche s'effacèrent après le Mans si bien que les adversaires principales, pour le reste de la saison 1988, furent les Sauber à moteur Mercedes. Jaguar ne les battit que deux fois sur six mais, au total, Jaguar enregistra six victoires et un autre titre par équipe. Cette fois, Martin Brundle remporta le championnat des conducteurs. Sur le front américain, en IMSA, où elles devaient affronter les toutes puissantes Nissan turbo, les voitures GTP de Jaguar gagnantes à Daytona bouclèrent la série des quatorze épreuves avec une seule autre victoire. Au début de 1989, après dix-huit longues années d'existence passées à propulser des voitures de tourisme et sept saisons complète de compétition au plus haut niveau, le magnifique V12 simple arbre commençait à avouer son âge. Mais la vieille machine avait encore de la ressource, une autre victoire au Mans. d'ailleurs, mais elle passait déjà le témoin à une nouvelle génération de Jaguar.

Photos et texte extraits de "Jaguar, Toute l'Histoire, tous les Modèles" de Pete Lyons