Jaguar
XK 120 |
C'est au salon de l'automobile d'Earl's COURT,
à Londres, le 27 octobre 1945, que la voiture de sport par excellence est
dévoilée: elle se nomme Jaguar XK 120.
Un doute subsiste sur
le fait qu'elle ait été conçue ou non en vue d'une production
en série. William Lyons, patron de Jaguar, n'a donné le feu vert
que pour deux cents exemplaires de ce type. Le succès de cette voiture
paraît encore incertain... et pourtant !
Les initiales XK se rapportent
au moteur, un groupe totalement nouveau à six-cylindres en ligne et deux
arbres à cames en tête délivrant généreusement
couple et puissance à tous les régimes. Le couple, notamment, donne
à cette voiture les muscles d'un camion.
Beaucoup se demandent alors
si le chiffre 120 signifie réellement que la voiture peut atteindre 120
miles à l'heure (195 km/h). Un modèle antérieur de Jaguar,
la SS 100, qui avait atteint 100 mph (160 km/h) à la fin des années
1930, avait justifié son appellation. Mais le chiffre 120 est-il une preuve
de performance? Or, ce n'est que la vérité et même une sous-estimation
des capacités de la voiture. Moins de six mois après, une tentative
de record réalisée sur l'autoroute belge Jabbeke-Aeltre démontre
que la XK 120 atteint en moyenne dans les deux sens la vitesse de 132,6 mph soit
plus de 213 km/h. Performance stupéfiante en 1949 et tout à fait
respectable encore aujourd'hui pour un modèle de sport.
L'erreur de
n'avoir prévu que 200 voitures est vite rattrapée et les premiers
exemplaires carrossés manuellement en aluminium font place à des
voitures à caisse en tôle d'acier produites industriellement. La
majorité des voitures en aluminium, qui ont pris le chemin des États-Unis,
sont aujourd'hui des pièces de collection recherchées.
Les lignes
de la XK 120 sont si belles qu'elles évoquent réellement le bond
d'un félin. Le long capot suggère vitesse et puissance, ce que la
voiture confirme. Le reste offre deux sièges et un coffre à bagages
tout à fait suffisant à l'époque pour un modèle sport.
C'est en même temps beaucoup d'espace pour si peu de place pour les jambes,
mais suffisamment de vitesse.
Pour être juste, la XK 120 n'est pas un
exemple de percée technologique : le pont arrière rigide est suspendu
par des ressorts à lames semi-elliptiques, tandis que la suspension avant
est à roue indépendante avec des barres de torsion.
Mais ses
lignes et son moteur lui confèrent un caractère irrésistible.
En outre, elle est très bien équilibrée avec une répartition
des masses à peu près égale entre les essieux avant et arrière,
le moteur étant quasiment central avant et les passagers presque assis
sur le pont. Cette architecture contribue à l'excellente stabilité
de la voiture et à sa tenue de route, en dépit d'un châssis
finalement très conventionnel.
William Lyons comprend aussi tout de
suite qu'après la guerre une voiture construite en Angleterre n'a aucune
chance si elle porte la marque SS, évocatrice de souvenirs sinistres.
Il
change donc le nom de la firme en 1945 et Standard Swallow (SS) devient Jaguar
en adoptant le nom de modèles produits dès 1935.
Les premières
voitures d'après guerre sont, dans l'ensemble, des types d'avant guerre
légèrement rajeunis. Mais le temps est venu de produire un moteur
totalement nouveau capable de propulser des modèles de luxe et de prestige
aussi bien qu'une voiture de sport. L'un des membres de l'équipe chargée
d'élaborer ce moteur est Harry Weslake, devenu depuis un personnage légendaire
pour son talent de concevoir des culasses à haute performance. Un autre
s'appelle Wally Hassan, ancien de la grande époque Bentley des années
1920, qui produira par la suite des moteurs de course pour Coventry Climax et
le fantastique V12 de Jaguar.
Le nouveau moteur à six-cylindres en ligne
et deux arbres à cames en tête, prévu avant tout pour équiper
les luxueuses berlines Mark VII, débute sur la sportive XK 120. L'atout
majeur de cette voiture est sa vitesse, mais elle va être aussi appréciée
pour son prix relativement abordable et sa fiabilité, du moins, sa facilité
d'entretien, comparé à des monstres comme les Aston Martin et les
Ferrari contemporaines. De même est-elle facile à préparer
pour quiconque souhaite participer à des compétitions.
Avec la
XK 120, l'Angleterre trouve le modèle de sport dont elle a besoin pour
son image et ses finances. Elle rapporte en effet de solides devises, notamment
des dollars américains, et fonde la réputation de Jaguar sur le
plan international. Et sans que les modèles dérivés, XK 140
et XK 150, produits jusqu'en 1962 fasse pâlir sa réputation d'aînée.
La
XK 120 illustre clairement la façon dont un concours de circonstances peut
être à l'origine d'une automobile légendaire. Plus de cinquante
ans après sa première présentation, elle affiche une élégance
telle parmi les modèles de sport qu'elle fait encore rêver