Ferrari 250 Testa Rossa

Chez Ferrari, les barquettes destinées en priorité aux compétitions pour voitures de sport sont une institution, au même titre que les monoplaces. Et, dans une famille aussi noble que pléthorique, la 250 Testa Rossa pourrait bien demeurer la plus justement célèbre...

Lorsqu'elle apparaît, en 1957, la 250 Testa Rossa (ou TR) fait partie de la famille qui, des premières Europa aux prestigieuses GTO en passant par les berlinettes Tour de France, partagent l'une des mécaniques qui ont définitivement forgé la réputation des Ferrari de piste et de route. Ce moteur V12 ouvert à 60°, d'une cylindrée unitaire de 250 cm3 (d'où l'appellation de 250, traditionnelle à Maranello) et comportant un seul arbre à cames en tête par rangée de cylindres a été conçu dès le début des années 50 par l'ingénieur Gioacchino Colombo.
L'appellation de Testa Rossa (tête rouge), plus récente dans la saga Ferrari - elle est utilisée pour la première fois en 1956 sur les 500 TR-TRC, dotées du quatre-cylindres 2 litres double arbre signé Aurelio Lampredi -, vient du fait que les cache-arbres à cames sont peints du plus beau vermillon.
Si la première 250 TR est engagée dans quelques courses dès 1957, sa véritable carrière débute l'année suivante. La carrosserie en aluminium signée Scaglietti, est superbe. Le long museau se désolidarise des ailes pour pointer vers l'avant comme celui d'une monoplace. Les ailes, très largement échancrées sur les flancs et proposant une ligne à la fois galbée et très tendue à l'arrière, confèrent à l'engin un subtil mélange d'agressivité et de rondeurs. La première Testa Rossa est l'une des plus belles Ferrari jamais construites, et l'on ne retrouva plus ce caractère sur les 250 TR suivantes, qui sacrifient l'originalité à une aérodynamique bien comprise.

La dernière voiture à moteur avant à remporter le Mans

Carlo Chiti, qui a considérablement modifié les culasses Colombo en supprimant les ressorts de soupape en « épingle à cheveux. » au profit de ressorts conventionnels, veut une voiture capable de gagner des courses et non de remporter un concours d'élégance.
Le V12 est installé à l'avant, dans un traditionnel châssis tubulaire en acier habillé d'une carrosserie en alliage d'aluminium. La 250 TR et ses descendantes, les TR59, TR60, TR61, et la 330 LM de 1962 seront les ultimes Ferrari destinées à la compétition à conserver le moteur avant. La 330 LM de Gendebien-Hill, basée sur une TR61 et gagnante en 1962, reste la dernière automobile ainsi conçue à l'emporter au Mans.
Le 3 litres, alimenté par une impressionnante batterie de carburateurs Weber double corps que nombre de TR révèlent sous une prise d'air en Plexiglas. est solide et fiable. et délivre 300 ch à 1200 tr/ min. Il reste très proche de celui des 250 GT de production.
La 250 TR est résolument traditionaliste. En témoignent. outre la boîte de vitesses à quatre rapports. les freins à tambour (Jaguar utilise les disques depuis 1952). les antiques amortisseurs à levier Houdaille et le pont de Dion. réservé aux seules TR d'usine (les versions client : sont équipées d'un essieu rigide). Néanmoins, la 250 TR 1958 s'impose dans nombre d'épreuves, dont les 12 Heures de Sebring, la Targa Florio et les 24 Heures du Mans, et s'adjuge le titre mondial des Constructeurs.
L'année suivante, la ligne est plus aérodynamique et les modifications sont nombreuses. Châssis en tubes plus fins, donc allégé, adoption d'un différentiel autobloquant, d'une boîte de vitesses à cinq rapports et de quatre freins à disque. Les amortisseursà levier sont remplacés par des ensembles télescopiques Koni, et un carter sec se substitue au carter humide. En 1960, le pont de Dion et l'essieu rigide cèdent la place à des roues indépendantes, comme à l'avant.
Cette même année, après un succès d'Aston Martin en 1959, Ferrari récupère le titre de champion du monde, victoire au Mans à la clé. La TR61 récidive, avec un beau doublé championnat-Le Mans, aidée il est vrai par la petite nouvelle, la 246 S à moteur central gagnante à la Targa Florio.

Au volant de la 250 TR : Un V12 fascinant

Créée pour les compétitions pour voitures de sport, la 250 TR est une authentique voiture de course. Si les sièges sont confortables, le cockpit absolument dépouillé est exigu, et le tableau de bord se résume à un énorme compte-tours. Le volant à jante en bois, de grand diamètre, est élégant mais peu pratique selon les canons actuels.
L'automobile part au quart de tour et, immédiatement, on est remué jusqu'au tréfonds de l'âme par le sourd grondement du V12, qui ne dissimule d'ailleurs pas certains bruits annexes, comme les claquements des chaînes de distribution.
Les performances d'une voiture pesant moins de 750 kg et délivrant 300 ch demeurent exceptionnelles, même quarante ans après sa naissance! Les seuls problèmes concernent le maniement de la boîte de vitesses et la sensibilité exacerbée de l'embrayage.
La suspension est dure comme le roc, et les mauvais revêtements sont à proscrire, d'autant que les pneus étroits n'arrangent pas les choses. Mais, avec un peu de pratique, on prend un plaisir immense aux commandes d'un engin aussi beau qu'efficace.

La Ferrari 250 Testa Rossa à la loupe

La première Testa Rossa, dans la généalogie Ferrari, fut la 500 TR dévoilée en 1956 au Salon de New York. II s'agissait d'une voiture dotée d'un moteur quatre cylindres 2 litres à double arbre à cames en tête, au moteur étudié par Aurelio Lampredi, héritière de la 500 Mondial de 1953. Sur la 50L; TR, un essieu rigide remplaçait le pont de Dion, et cette solution peu onéreuse fut également utilisée sur les 250 TR vendues, en 1958, à des clients sportifs. Les 250 TR d'usine possédaient le pont de Dion (supplanté en 1960 par des roues indépendantes), et tous les modèles étaient animés par le V12 simple arbre de 2 953 cm3 délivrant 100 ch/l.

Style
Style La carrosserie de la Testa Rossa était en tôle d'aluminium formée à la main chez Scaglietti (et, par la suite, chez Fantuzzi), si bien que la plupart des 33 ou 34 unités construites sous diverses formes ne présentaient pas, d'un exemplaire à un autre, une absolue similitude. La toute première 250 TR restera, de loin, la plus belle, avec le traitement si particulier de la partie avant, des ailes avant très largement dégagées sur les flancs, et des lignes à la fois douces et agressives. La 250 TR de 1959 fut plus conventionnelle, en dépit d'une prise d'air en Plexiglas révélant les douze trompettes d'admission d'air. La version 1960, puis la TR/61, avec leur calandre en deux parties évoquant celle des nouvelles 246 S à moteur central, sacrifiaient déjà aux exigences de l'aérodynamique. Carlo Chiti imposa la suppression de l'aile échancrée, qui créait des perturbations aérodynamiques à haute vitesse, d'où le retour à des lignes moins audacieuses dues, cette fois, à Pininfarina.

En pleine action, une Testa Rossa à la carrosserie Scaglietti caractéristique. Carlo Chiti estimant que la partie avant provoquait trop de turbulences aérodynamiques, la ligne fut changée en 1959.

Renouvelant les succès obtenus en 1958 puis en 1960 et 1961 avec une 250 TR, olivier Gendebien et Phil Hill gagnèrent les 24 Heures du Mans au volant d'une 330 LM étroitement dérivée de la Testa Rossa.

Paul Frère aux 24 Heures du Mans en 1960, au volant de la Ferrari 250 TR partagée avec Olivier Gendebien. L'équipage belge l'emporta à 175 km/h de moyenne.

La n° 0770 au Mans en 1959, pilotée par Allison et Da Silva Ramos. La voiture abandonna à la quatrième heure de course.

En 1960, la victoire au Mans de la 250 TR (châssis n° 0772) et les six voitures classées dans les sept premières firent basculer le sort en faveur de Ferrari au Championnat du monde de Constructeurs, face à Porsche. Ici, la 250 TR précède une Lotus Elite et une OSCA.

Remarquablement restaurée par James Allington, la Testa Rossa 1959, châssis n° 0770, fut une voiture usine régulièrement engagée en course en 1959 et 1960, notamment avec P. Hill, O. Gendebien, D. Gurney, W. von Trips, C. Allison et T. Brooks, dans des épreuves telles que les 24 Heures du Mans, les 12 Heures de Sebring ou les 1 000 Kilomètres du Nürburgring.

La carrosserie de la version 1959, signée Pininfarina, revient à un classicisme qui ne fait pas oublier la ligne fantastique du modèle 1958.

Le cockpit spartiate, avec le grand volant à jante en bois et le tableau de bord en aluminium.

Les phares étaient carénés, et l'écope placée à côté dirigeait l'air vers le frein à disque.

1. Le gros bouchon du réservoir d'essence, parfaitement intégré dans le volumineux appui-tête profilé.
2. La prise d'air de refroidissement du frein arrière, située juste derrière le cockpit.
3. Ces ouvertures garnies d'aluminium, ménagées sur les ailes, permettaient l'évacuation de l'air chaud venu des freins.
4. Disposition nette et fonctionnelle de l'instrumentation, avec le compte-tours au centre.
5. La traditionnelle grille de guidage du levier de vitesses.

Ferrari fut l'un des premiers constructeurs à utiliser un becquet arrière, sur la TR 61.

La carrosserie Scaglietti, au museau long et effilé et aux ailes avant quasiment indépendantes du capot.

Extrait de "L'atlas des Bolides" des Editions Atlas