BMW M1

La M1 n'a pas laissé de bons souvenirs aux comptables de BMW : ce modèle a coûté très cher, et les résultats en course ont été mineurs. Vendue à un prix exorbitant, elle fut un échec commercial, ce qui est fort dommage car la M1 demeure l'une des meilleures voitures jamais produites.

Beaucoup trop lourde, arrivée bien trop tardivement en compétition dans le cadre d'une réglementation sportive condamnée (le Groupe 4 et son évolution très libérale, le Groupe 5), la BMW Ml ne figure pas au hit-parade des grandes voitures de course de l'histoire. Son palmarès est squelettique, et seule la série Procar créée spécialement pour elle (pendant les saisons 1979 et 1980, les pilotes de Formule 1 disputèrent des courses très animées au volant de M1 identiques) sauva sa carrière, permettant à BMW de trouver un moyen de valoriser son image après 1 avoir consenti à de lourds investissements.
Le point de départ de la Ml fut la nécessité pour BMW de continuer sur sa prolifique lancée en compétition, qui lui avait valu en retour une forte image de marque. Ces modèles de série transformés avaient dominé les courses en circuit, mais les vieillissants coupés CSL avaient besoin d'être remplacés. C'est pourquoi l'ancien pilote Jochen Neerpasch, devenu responsable de BMW Motorsport, le département compétition, lança le projet M1. Cette voiture devait courir en Groupe 4, une discipline accueillant les évolutions des modèles produits à au moins 400 exemplaires en deux ans. Si BMW n'avait pas de modèle correspondant à cette définition, la Coupé de 1972 - une étude de style du responsable du design, Paul Bracq - pouvait néanmoins servir de point de départ.

Avec Giugiaro et Lamborghini

Neerpasch, en parfait connaisseur des choses de la course, sut convaincre les dirigeants munichois qu'une telle réalisation n'était pas compatible avec les méthodes de conception et de production des modèles de série. Pour lui, il fallait traiter avec des spécialistes. Ce raisonnement maintes fois appliqué dans le passé et toujours cohérent - la plupart des grands constructeurs soustraitent tout ou partie de leurs programmes sportifs - fut accepté. Le choix des partenaires fut déterminé : le bureau d'études Ital Design de Giugiaro pour la carrosserie, Lamborghini pour le développement et la fabrication du châssis. Le moteur était le domaine réservé de BMW.
Giugiaro s'était déjà taillé une solide réputation et ses réalisations faisaient référence. De plus, pour la première fois, il allait, à l'image des autres grands carrossiers italiens tels Bertone et Pininfarina, assurer le montage de la carrosserie sur le châssis en provenance de chez Lamborghini. grand spécialiste des voitures à moteur central. Quant à BMW, son savoirfaire en matière de moteurs n'était plus à démontrer. La M1 tenait donc là un formidable trio de géniteurs.
Malheureusement, ce bel édifice ne devait jamais trouver son équilibre. Chacun, avec ses qualités propres, s'acquitta de sa tâche, mais l'osmose ne se fit pas. Après avoir construit quelques prototypes, Lamborghini s'avéra bien vite incapable de poursuivre plus avant l'entreprise. Le projet piétina et BMW dut reconstruire un puzzle qui s'acheva chez le carrossier allemand Baur, connu notamment pour ses transformations de berlines BMW Série 3 en cabriolets.

Une carrière sportive écourtée

Le temps passait, la M 1 n'était toujours pas opérationnelle, et quand, en 1979, l'homologation fut accordée (au total, 454 exemplaires furent construits), la catégorie Groupe 4 était sur le point d'être abandonnée. Elle devait être remplacée par les Sport-Prototypes, discipline où les voitures engagées ne devaient répondre à aucun critère de production minimale, contrainte qui avait empêché l'engagement de la M1 en course. Mais les dirigeants munichois optèrent pour la Formule 1, en fournissant un moteur quatre cylindres turbo à l'écurie Brabham.
Commercialement, BMW eut un mal fou à vendre la M1. La première raison était qu'elle était excessivement chère, BMW n'étant pas assuré pour autant de gagner de l'argent tant le passif était lourd; ce n'était évidemment pas le problème du client... Ainsi, vendue 310 000 F en 1979, elle valait 50 000 F de plus qu'une Ferrari Boxer et pas loin du double d'une 308, 20 000 F de plus que l'extraordinaire Lamborghini Countach et 100 000 F de plus qu'une Maserati Khamsin. Quand on investit de telles sommes, le subjectif compte aussi, et, à l'inverse de ces voitures, la BMW ne bénéficiait d'aucune image. De plus, animée par un six-cylindres superbe et puissant et non par un V8 ou par un V12, elle était défavorisée aux yeux de la clientèle; pour bien équipé et bien fini qu'il fût, l'inté rieur n'avait rien d'extraordinaire. En revanche, ses qualités routières étaient certainement supérieures à celles de ses concurrentes.
Les amateurs qui avaient les moyens de l'acquérir et qui ne l'ont pas fait ont néanmoins perdu sur deux tableaux. Premièrement, ils sont passés à côté d'une voiture vraiment fabuleuse, au tempérament de feu et aux qualités routières de référence. La conduire, même sur route, était un indicible plaisir. Deuxièmement, la BMW MI est dorénavant une valeur sûre dans l'univers des voitures de collection. Sa rareté et ses atouts dynamiques la placent haut dans le coeur des collectionneurs. Il est vraiment dommage que les circonstances en aient fait un échec. Elle ne le méritait pas.

Châssis
Le châssis de la M 1 répond aux techniques classiques utilisées pour les voitures de course dans les décennies 60-70, à savoir une structure tubulaire sur laquelle étaient fixés l'ensemble moteurtransmission, les suspensions et la carrosserie. Le six-cylindres en ligne était installé longitudinalement, avec la boîte de vitesses ZF dans le prolongement. Lorsque BMW dénonça le contrat avec Lamborghini, seuls quelques prototypes avaient été construits. Cependant, un accord avait été conclu avec un spécialiste italien, Marchesi, à Bologne, et BMW lui laissa la charge de produire les châssis puis de les livrer chez Ital Design, le carrossier allemand Baur assurant l'assemblage final. Sur la bascule, la M 1 revendiquait 1 416 kg, ce qui n'était pas spécialement léger. Ainsi, les voitures de compétition ne purent jamais atteindre le minimum autorisé en Groupe 4 (1 000 kg) et, même avec des vitres en Plexiglas et un intérieur dépouillé, elles pesaient aux alentours de 1 140 kg.

Moteur
Le premier « gros » moteur BMW à six cylindres fut celui qui équipait la berline 2500 de 1968. La cylindrée passa successivement par les stades suivants : 2,8 litres, 3 litres, 3,3 litres et 3,5 litres. Le moteur de la M1 est le dernier de cette lignée. Ce 3,5-litres recevait une nouvelle culasse, deux arbres à cames en tête entraînés par chaîne et quatre soupapes par cylindre. Le système d'injection mécanique était d'origine Bosch et Kugelfischer, et Magneti-Marelli avait conçu un allumage électronique spécifique. Pour un moteur atmosphérique de l'époque, la puissance disponible était impressionnante : 277 ch à 6 500 tr/mn. Dans les définitions Groupe 4 et Procar, elle montait à 470 ch avec un régime maximal de 9 000 tr/mn. En version suralimentée, autorisée dans le Groupe 5, elle atteignit jusqu'à 800 ch.

Très basse, la BMW M1 a le profil caractéristique des supersportives des années 80, avec un avant profilé destiné à favoriser la vitesse de pointe. L'emblème BMW (en médaillon) symbolise une hélice en mouvement, clin d'oeil évocateur des activités originelles de la firme munichoise.

La BMW M1 était particulièrement à l'aise dans les courses d'endurance, comme le montre cette photographie prise aux 1 000 Kilomètres de Silverstone en 1984.

Les versions compétition étaient considérablement modifiées par rapport aux modèles destinés à un usage routier. Celle-ci fut développée par le préparateur suisse Peter Sauber.

Pour la course, la M1 était chaussée de gros pneus et les passages de roue étaient modifiés en conséquence.

L'assemblage final de la carrosserie était effectué chez le spécialiste allemand Baur.

Les deux sièges étaient plaqués contre la cloison du compartiment moteur.

Schéma de la suspension avant avec le double triangle superposé. Les freins à disque sont ventilés et la direction est à crémaillère.

Le moteur qui fut utilisé par la suite sur la berline M5 était directement dérivé du six-cylindres de la M1.

Ce moteur destiné à la compétition avait le sigle Motorsport gravé sur la culasse. Assemblé manuellement, il développait 470 ch, contre 277 à la version routière.

Cet éclaté est celui du moteur de la M5, qui dispensait 315 ch, soit 38 ch de plus que celui de la M1 dont il était dérivé.

Parmi les multiples modifications apportées à la version compétition, nettement plus dépouillée, il y avait bien sûr les arceaux de sécurité obligatoires.
Le gros cylindre dans le flanc droit devant la roue arrière est le réservoir d'huile. La lubrification se fait par carter sec.
Les radiateurs d'huile et d'eau étaient positionnés à l'extrême avant de la voiture.
La boite de vitesses et le différentiel étaient situés dans le prolongement du moteur, entre les demi-arbres de transmission.

Une M1 engagée à titre privé aux 24 Heures du Mans en 1984.

Extrait de "L'atlas des Bolides" des Editions Atlas