Bentley
3 litres | |
L'histoire de l'automobile est remplie d'aventuriers, d'excentriques et de génies.
Walter Owen Bentley n'est peut-être pas un génie, mais il a créé une série d'autoinobiles
qui resteront inoubliables, ne serait-ce que parce qu'elles ont remporté cinq
fois les 24 Heures du Mans. Bentley naît à Londres en 1888. À 16 ans, il entre
en apprentissage au Great Northern Railway. Cette expérience ferroviaire aura
une certaine influence sur ses conceptions car les robustes châssis qu'il dessinera
plus tard ne seront pas sans ressembler à ceux des wagons de chemin de fer. On
prétend aussi qu'Ettore Bugatti aurait dit que Bentley fabriquait « les plus rapides
camions du monde ».
W O. est un passionné de moto qui participe à maintes
épreuves à Brooklands et dans l'île de Man. En 1912, avec son frère, il devient
importateur de la marque française DFP dont il perfectionne les voitures.
Au cours de la Première Guerre mondiale, il sert dans le Royal Naval Air Service
(l'Aéronavale anglaise) et perfectionne le moteur d'avion français Clerget. Peu
à peu, il crée un moteur en étoile rotatif à neuf-cylindres proche de la perfection.
Les moteurs BR1 et BR2 (Bentley Rotary) sont considérés comme des chefs-d'oeuvre
d'une remarquable fiabilité.
En 1919, il fonde Bentley Motors. Mais W. O.
fait preuve d'un talent moindre pour les affaires et la trésorerie de la firme
s'effondre jusqu'à ce qu'un millionnaire du diamant, Woolf Barnato, la sauve du
naufrage. Très tôt, donc, Bentley perd le contrôle financier de sa propre entreprise.
Le
premier modèle est une trois litres présentée en 1919 dans
le numéro de mai du magazine The Autocar, bien avant même que le
prototype ne soit construit. Les livraisons ne commencent qu'en septembre 1921.
Un châssis coûte alors 1050 livres, ce qui place la Bentley parmi
les voitures les plus chères du marché britannique. Pourtant les
ventes augmentent régulièrement 122 en 1922, 204 en 1923 et 402
en 1924. La production totale du modèle trois litres s'élève
à 1 619 exemplaires de 1921 à 1929.
Cette voiture est une belle
étude tout en n'étant pas d'une grande nouveauté. Elle a
un moteur à quatre-cylindres de 2 996 cm' avec un arbre à cames
en tête qui actionne quatre soupapes verticales par cylindre. Le bloccylindres,
à culasse non détachable, est en fonte alors que le carter de vilebrequin
et le carter d'huile sont en aluminium. Deux magnétos allument deux bougies
par cylindre.
Le moteur standard donne 70 ch, mais le Speed Model et le Super
Sports (1923-1929) délivrent 80-85 ch à près de 3 200 tr/min.
Les vitesses de pointe varient entre 120 et 160 km/h. La boîte de vitesses,
à quatre rapports, est séparée du moteur. La transmission
est effectuée par un arbre à cardans au pont arrière à
taille hélicoïdale.
Le cadre de châssis est conventionnel
avec deux longerons longitudinaux et quatre traverses embouties. La suspension
est confiée à quatre ressorts semi-elliptiques et quatre amortisseurs
à friction. Jusqu'en 1923, la trois litres n'a des freins qu'à l'arrière.
Bentley ne construit pas ses carrosseries dont la majorité sort de chez
Vanden Plas, une entreprise proche de son usine de Cricklewood. La carrosserie
la plus courante est une torpédo quatre places.
Dès le mois de
mai 1921, cette voiture donne la victoire à Frank Clement à Brooklands.
En 1922, les Bentley se classent deuxième, quatrième et cinquième
au Tourist Trophy. Au Mans, Clement et John Duff gagnent en 1924, Dudley Benjafield
et Sammy Davis récidivent en 1927. Mais c'est la dernière prouesse
d'une trois litres dans une grande épreuve.
Entre temps, une des plus
célèbres écuries de l'histoire de la course a été
constituée : les Bentley Boys. Ses membres ont pour nom Barnato, Benjafield,
Davis, les frères Clive et Jack Dunfee, Glen Kidston, Bernard Rubin, Jean
Chassagne et Sir Henry Birkin. Ces garçons vont dominer les 24 Heures du
Mans de 1928 à 1930.
En juillet 1931, Bentley est encore en difficultés
financières et Barnato touché par la crise économique refuse
d'investir encore. Une offre de rachat est présentée par un consortium,
le British Central Equitable Trust, derrière lequel, comme on s'en aperçut,
se trouvait Rolls-Royce.
Ce fut la fin d'une grande époque, mais aujourd'hui
encore, le nom de Bentley a autant de prestige que Rolls-Royce. W O. Bentley a
dû probablement se retourner dans sa tombe en apprenant que ces deux marques
viennent d'être rachetées par... les groupes allemands Volkswagen
et BMW.
0n dit que Bentley était un patron très rigoureux. En parcourant l'usine, s'il voyait quelqu'un faire une faute, il fusillait du regard le coupable qui reculait terrorisé. Si la faute était grave, il retirait sa pipe de sa bouche et ses yeux condamnaient l'auteur sans appel. |