Austin Healey

Lorsque Leonard Lord, directeur général de la toute nouvelle British Motor Corporation (BMC), voit le prototype de modèle sport de Donald Healey, il est immédiatement séduit car c'est exactement ce type de voiture qu'il veut produire.
L'histoire de l'automobile peut se féliciter du fait que certaines victimes d'accidents d'avion s'en tirent et réussissent même à survivre à plusieurs « crashes ». C'est le cas du très jeune Donald Healey, pilote militaire pendant la Grande Guerre, qui doit quand même abandonner le pilotage après avoir été descendu par la DCA alliée... ! Donald Healey termine la guerre comme inspecteur de la RAF. La paix revenue, il s'intéresse alors à l'automobile et à la course, ouvre un garage et participe à des rallyes avant de prendre en charge l'équipe Riley puis d'entrer chez Triumph comme ingénieurconcepteur. Après la Seconde Guerre mondiale, il commence à concevoir et à construire ses propres voitures à partir d'éléments mécaniques d'autres marques.
La première Healey voit le jour en 1946 (modèle 1947). Propulsée par un moteur Riley 2,4 litres, c'est la conduite intérieure de série la plus rapide du monde avec une vitesse de pointe de 168,5 km/h atteinte sur une autoroute italienne en décembre 1946.
Vient ensuite la Healey Silverstone, une biplace de sport construite à 105 exemplaires. Elle se fait remarquer par ses phares logés sous la calandre, son pare-brise rétractable dans l'auvent et sa roue de secours servant de pare-chocs arrière.
Healey collabore aussi avec le constructeur américain Nash. La Nash-Healey apparaît en 1950 sous la forme d'une voiture sportive dotée d'un moteur Nash Ambassador de 125 ch. Sa première carrosserie en aluminium construite en Angleterre n'est pas très belle, mais Pininfarina retouche les formes et améliore le produit. 504 exemplaires voient le jour.
Au début des années 1950, Healey cherche à produire une voiture de sport moins chère que son modèle Silverstone. Il choisit le moteur à quatre-cylindres de 2,6 litres qui équipe l'Austin A90 Atlantic. C'est un total échec commercial.
La nouvelle voiture est baptisée Healey 100 car elle doit atteindre 100 miles à l'heure (160 km/h). Son prototype, dévoilé au Salon de Londres 1952, fait sensation. Leonard Lord de la BMC est saisi comme les autres, mais il propose immédiatement à Healey de la produire en série. La marque Austin-Healey serait adoptée, et la voiture s'appellerait Austin-Healey 100. L'accord est conclu avant la fin du Salon.
Au lieu du programme initial qui prévoyait de construire 5 voitures par jour dans l'ancien hangar aéronautique servan d'usine à Healey, la production est organisée à l'usine Austin de Longbridge capable de sortir 100 unités par semaine. Le prix, fixé à 750 livres, est très abordable.
Mais en fait, seuls les ensembles mécaniques viennent de Longbridge et l'assemblage s'effectue chez Jensen à Bromwich. En 1957, les opérations sont déménagées chez MG, à Abingdon où l'Austin-Healey est montée parallèlement aux MGA et MGB, ce que les fanatiques de Healey n'apprécient pas trop. L'Austin-Healey est un succès dès son lancement et dès 7953, l'objectif de 100 voitures par semaine est atteint. La même année, la voiture fait ses débuts au Mans, terminant deuxième et troisième de sa catégorie. Au cours des deux années suivantes, elle établit un certain nombre de records de vitesse comme celui des 24 heures à 212 km/h de moyenne. Le moteur de l'Austin Atlantic qui équipe la première Austin-Healey est un groupe culbuté de 2 660 cm' donnant 90 ch à 4 000 tr/min. La boîte offre trois rapports plus un overdrive (surmultiplicateur) sur les deux rapports supérieurs. Au départ, c'est une boîte à quatre rapports dont on a supprimé le premier, estimé inutile. À l'arrière, on trouve un pont rigide oscillant avec un couple conique à taille spirale. Un pont hypoïde est adopté en 1955.
Le cadre du châssis est du type à longerons caissonnés sur lesquels une partie de la carrosserie est soudée. Complète, la voiture pèse 865 kg à vide et atteint 170 km/h. Parallèlement au modèle standard, il existe une 100M dotée d'une culasse haute compression qui porte la puissance à 110 ch. Enfin, on trouve la version compétition 100S à carrosserie tout aluminium, 132 ch, des freins avant à disque et une vitesse maximale de 230 km/h. Le modèle standard est produit à 14 012 exemplaires, mais la 100S à 50 seulement.

LES SIX-CYLINDRES
En 1956 se produit le premier grand changement. L'Austin-Healey 100-Six est présentée avec le moteur six-cylindres d'Austin de 2 639 cm3 qui équipe aussi l'Austin A90. Pour loger mieux ce moteur et pour ajouter un siège arrière à deux places pour des enfants, l'empattement est allongé, mais une 100-Six à deux places est toujours proposée. La production atteint 14 436 exemplaires et en 1959, la cylindrée est portée à 2 912 cm3.
À ce stade, le modèle est rebaptisé Austin-Healey 3000.
La voiture se révèle très efficace en rallye et dans les années 1960-1964, elle signe de nombreux succès. Parmi les grands pilotes de Healey, on cite les frères Morley, Pat Moss (sueur de Stirling Moss), Ann Wisdom et Timo Makinen.
La liste complète des victoires serait fastidieuse, mais il faut noter les Marathons de la Route 1960 et 1964, le deuxième championnat féminin remporté par Pat Moss et Ann Wisdom, la Coupe des Alpes 1961 et 1962 et des victoires de catégorie au Rallye de Monte-Carlo.
Jusqu'à l'arrêt de la production en 1968, l'Austin-Healey 3000 change peu, à l'exception du moteur dont la puissance augmente régulièrement. Finalement, la Mark III dispose de 148 ch et roule à 195 km/h. Au total, les Mark I, II et III sont produites à 41 534 exemplaires.
Ce que Austin n'a pu réaliser avec l'Atlantic, les Healey l'ont fait et bien mieux encore. Les Américains lui ont réservé un accueil triomphal et un grand nombre d'Austin-Healey sont conservées dans des collections aux États-Unis.

AUSTIN-HEALEY SPRITE
Au milieu des années 1950, Leonard Lord demande à Donald Healey de concevoir une petite Austin-Healey correspondant aux anciennes Midget de MG. Healey propose la Sprite, une petite biplace à roues avant indépendantes. D'une longueur limitée à 3,5 m, elle utilise un moteur BMC type A de 948 cm' et 43 ch.
Tout l'ensemble du capot et des ailes avant peut basculer, donnant un accès total à la mécanique. Mais le plus caractéristique reste ses projecteurs posés sur le capot qui inspirent le surnom de la voiture: « frog-eye » (oeil de grenouille). Initialement, la Sprite peut rouler à 135 km/h et ne coûte que 678 livres. Par rapport à ses performances, c'est une affaire et la Sprite n'a pas de concurrente en Angleterre, sauf peut-être la Berkeley à deux-cylindres, avant l'arrivée de la Triumph Spitfire en 1962.
Très vite, les préparateurs proposent des transformations mécaniques pour la Sprite qui peut atteindre 160 km/h. Une voiture spécialement préparée et pilotée par Graham Hill atteint 213 km/h sur une autoroute belge. Grâce à ce potentiel, la voiture est vite engagée dans des courses et signe de nombreux succès. En 1959, elle gagne dans sa catégorie à Sebring, et les courses d'amateurs en Angleterre sont peuplées de Sprite.
En mai 1961, arrive la Sprite II avec la même carrosserie que la MG Midget et des freins à disques à l'avant. Mais elle n'a pas la même calandre que la version MG, ni les moulures latérales chromées. L'année suivante, les modèles dits Spridget, amalgame de Sprite et de Midget, reçoivent le moteur de la Mini Cooper. Avec 1 098 cm3 et 60 ch, la voiture atteint 145 km/h.
En décembre 1970, l'accord de licence avec Donald Healey arrive à son terme. L'appellation de la voiture devient Austin Sprite, mais les livraisons cessent en juillet 1971. La production de la Sprite I « Frogeye » s'élève à 38 999 unités. La version MG est arrêtée en 1979.

Extrait de "Les Voitures du Siècle" chez Gründ