Amilcar C6

Conçue pour la compétition dans les années 20, l'Amilcar . à moteur six cylindres en ligne doté d'un double arbre à cames en tête et d'un compresseur était une véritable voiture de Grand Prix en réduction. Malgré une faible cylindrée (1094 cm3), elle frôlait 170 km/h, les modèles spécialement préparés dépassant aisément 200 km/h.

L'aventure Amilcar commence, assez bizarrement, avec un véritable « cheval de trait », un engin baptisé « Le Zèbre » fabriqué chez Unic à Paris. Cette petite monocylindre économique, étudiée par l'ingénieur Jules Salomon, connaît un succès tel que son concepteur s'installe bientôt à son compte. Parmi ceux qui rejoignent la nouvelle société en 1908 se trouvent deux ingénieurs de talent, André Morel et Edmond Moyet. Lorsque, en 1920, Salomon entre chez Citroën, Morel et Moyet le suivent.
Pas pour longtemps... Les conceptions rigides d'André Citroën ne conviennent guère à ces amoureux de la belle mécanique, qui décident de voler de leurs propres ailes. Ils s'adressent alors à un ancien actionnaire du Zèbre, Émile Akar, propriétaire d'une chaîne de magasins d'épicerie, qui leur cède 100 000 francs pour la fabrication de 2 prototypes, présentés à d'anciens concessionnaires du Zèbre - dont l'ex-directeur commercial de cette firme, Joseph Lamy.
Enthousiasmés par le projet, ces derniers offrent un crédit de 1 million de francs pour la construction d'une usine dans la banlieue nord de Paris, à Saint-Denis, où seront produites les nouvelles voitures, qui s'appellent Amilcar; on prétend, peut-être avec raison, que le nom du célèbre général de l'Antiquité n'est pour rien dans ce choix. Amilcar viendrait de l'amalgame & Lamy et Akar.
Conçues par Edmond Moyet, les premières Amilcar entrent dans la catégorie des « cycle-cars », engins de petite taille et de faible cylindrée dont la fiscalité est alors particulièrement intéressante. Mais André Morel a des ambitions plus nobles : il est attiré par la voiture sportive et, dès novembre 1921, démontre le potentiel de l'Amilcar 903 cm3 en réalisant, pour la catégorie, un record sur le 1 000 m lancé à près de 100 km/h. Il enchaîne avec une retentissante victoire dans le Bol d'or en 1922; dès lors, Amilcar accède aux sommets, devenant, avec sa grande rivale Salmson, la reine des petites voitures de sport.
Le succès commercial d'Amilcar comme les victoires acquises en compétition permettent à Amilcar et à Morel de franchir une nouvelle étape; il s'agit cette fois de construire une authentique voiture de course qui serait à son échelle comparable aux machines prestigieuses qui disputent les Grands Prix internationaux. Deux ingénieurs spécialistes de la question, venant l'un de chez Fiat et l'autre de chez Sunbeam, sont engagés aux côtés d'Edmond Moyet en vue d'étudier une automobile connue, dans un premier temps, sous le nom de code CO - qui demeurera par la suite l'appellation des modèles les plus performants directement produits par l'usine.
La voiture, présentée en 1925, est une six-cylindres de petite cylindrée (1094 cm3) dotée d'un moteur à double arbre à cames en tête, de chambres de combustion hémisphériques, d'un compresseur volumétrique Roots à double êtage et d'un graissage par carter sec notamment.

74 victoires en 1926...

André Morel songe à commercialiser ce engin, à la manière de Bugatti qui réussira si bien, à la même époque, avec ses Type 35 et 37. Il s'agit de rentabiliser la construction d'une dizaine de bolides destinés à la seule compétition en vendant un modèle qui en est étroitement dérivé. Mais l'Amilcar C6, qui vaut plus du double du prix de la plus coûteuse des CGS, et s'avère plus chère qu'une Bugatti 37 - dont la clientèle est pourtant ouvertement courtisée par Amilcar -, est trop onéreuse. Finalement, il semble que 40 exemplaires aient trouvé preneur, se différenciant des machines usine par des détails aussi importants que le mode de fonctionnement du vilebrequin (à rouleaux sur les CO) ou la présence d'une culasse détachable sur les C6 destinées à la clientèle. La puissance des C6 «normales » allait de 75 à 83 ch, celle des voitures de course dépassant souvent 100 ch.
En 1926, les Amilcar C6, tous modèles confondus, remportent 74 victoires, dont celles de Morel au Grand Prix d'Italie des Voiturettes, acquise à 131 km/h de moyenne, et au Grand Prix de Provence. En Grande-Bretagne, elle s'adjuge les 200 Miles de Brooklands grâce à Martin. Les Amilcar C6 CO sont également les premières voitures de 1 100 cm3 à franchir la barre des 200 km/h. A Arpajon, haut lieu des records de vitesse sur route, Morel réalise au volant de la monoplace décalée MCO plus de 205 km/h sur le 1 000 m lancé.
En 1928, Morel et Duray réalisent le doublé au Grand Prix de Provence, puis l'Amilcar remporte dans la catégorie 1 100 cm3 les 200 Miles de Brooklands, le Grand Prix de Suisse et les épreuves de Chimay et de Monza notamment.
La moisson de succès se poursuit jusqu'en 1932 et, en 1933, la monoplace profilée préparée par Alec Francis pour Widengren enlève à Montlhéry la catégorie 1 500 cm3 à la moyenne de 185 km/h!
Toutes ces performances autant que les impressionnantes caractéristiques techniques expliquent pourquoi l'Amilcar six cylindres entre, dans l'histoire du sport automobile, au sein de la très petite phalange des automobiles d'exception. Ne fut-elle pas, en son temps, l'une des seules rivales de l'incomparable Bugatti Type 37?

Au volant de l'Amilcar C6 : merveilleux souvenirs
Le pilote anglais Michael May disait : « L'Amilcar était une voiture magnifique, très en avance sur son temps. » Avant la guerre, il l'a souvent conduite en course et il en est tombé amoureux. Pourtant, l'automobile, qui n'avait rien de facile, s'avérait épuisante à mener dans une longue compétition : la suspension était quasiment inexistante et le tube de réaction de la transmission vous meurtrissait cruellement la cuisse... Mais le journaliste Denis May persistait et signait après avoir essayé la C6 : « L'expérience est à mettre au rayon des merveilleux souvenirs. » C'était en 1949, longtemps après la naissance de la voiture.
Pour un engin construit en 1925 et d'une si petite cylindrée, les accélérations étaient époustouflantes : 1 000 m départ arrêté en moins de 31 secondes! Si le moteur faisait entendre d'inquiétants cliquetis, c'était toutefois sans danger. D'ailleurs, le bruit rageur de l'échappement type Brooklands, les pignons de boîte de vitesses à taille droite, la transmission et les nombreuses cascades d'engrenages du moteur lui-même couvraient aisément ce vacarme, surtout aux alentours du régime maximal de 6 000 tr/mn, très élevé pour l'époque. L'Amilcar C6 atteignait près de 170 km/h.

L'Almicar C6 à la loupe

La C6 est une remarquable démonstration de maturité de la part d'Amilcar si l'on considère que, lorsque le modèle apparaît, la marque ne compte que quelques années d'existence. C'est la réponse à la firme concurrente directe Salmson, qui a sorti son modèle Grand Sport Course dont le 1 100 cm3 double arbre est vraiment menaçant. Si on la compare à la star des voitures de course de l'époque, la superbe Delage 1,5 litre à moteur huit cylindres en ligne conçue par l'ingénieur Lory, l'Amilcar C6 n'a pas à rougir : dans sa catégorie, elle est aussi remarquable que la Delage, dotée du six-cylindres 1 100 cm3 double arbre à compresseur délivrant plus de 80 ch. Seules 40 unités seront vendues.

Style
La petite Amilcar ressemble beaucoup à la Bugatti Type 35/37 contemporaine, ce qui n'est pas un mince compliment. Si le radiateur n'est pas aussi élégant, la ligne générale fluide et la pointe Bordino qui termine harmonieusement la partie arrière de la voiture, tout comme le tuyau d'échappement courant le long du flanc gauche, confèrent à la C6 de compétition une allure et une finesse remarquables.

Une Amilcar C6 Sport de 1926 en parfait état, dotée de pneus modernes plus larges et plus performants que ceux montés à l'origine. La C6 de route à moteur six cylindres en ligne à double arbre à cames et compresseur volumétrique de 1 094 cm3 était très puissante malgré sa faible cylindrée.

Une C6 de 1927. A noter les ressorts un quart elliptiques inversés arrière et les câbles de commande des freins.

Les lignes de l'Amilcar, fluides et dépouillées, sont parfaitement fonctionnelles et attrayantes. Le moteur est boulonné sur le châssis, participant ainsi à la rigidité de ce dernier.

La Type CO de compétition était animée par un moteur plus puissant, avec un vilebrequin tournant sur des rouleaux qui équipaient les bielles à la place des coussinets. Ce bolide était rapide et fiable.
Une Type CO de 1927. L'essieu avant fortement coudé permettait d'abaisser la voiture.

Au Grand Prix de San Sebastian en 1927, remporté par Benoist sur la Delage 1,5 litre, la CO de Martin passe devant un groupe de spectateurs.

Les lignes classiques de la C6 sont quasi intemporelles. Amilcar construisit 40 exemplaires seulement de ces modèles, auxquels s'ajoutèrent une petite dizaine de voitures de course CO et MCO usine.

Cette C6 de 1926 est un usage routier, équipée pour avec un large pare-brise et des ailes type motocyclette.

Cette CO à compresseur de 1926 est l'une des voitures usine qui fut cette année-là conduite à la victoire par Charles Martin dans de nombreuses compétitions, dont les 200 Miles de Brooklands.

La monoplace MCO, dotée d'un moteur et d'une transmission décalés vers la gauche, permettait au pilote d'être assis très bas.

Les C6 étaient munies de très petits pare-brise rabattables.
Deux compte-tours : l'un suppléait l'autre en cas de défaillance!
Les biellettes de commande des freins, avec les câbles coulissant dans des tubes.
Cette C6 possède des roues plus larges que celles qui équipaient la voiture à sa sortie d'usine.

L'échappement passe tout prés du cockpit.
L'eau était introduite dans le radiateur par le bouchon du haut.
Le réservoir d'huile était situé sous la manivelle.

Extrait de "L'atlas des Bolides" des Editions Atlas