AC
Cobra | |
L'AC Cobra a fait naître beaucoup de légendes et notamment celle
qui prétendait qu'un acheteur devait payer comptant en espèces car
il ne vivrait pas assez longtemps pour rembourser un emprunt.
Une obsession
travaille le Texan Carroll Shelby : créer une nouvelle voiture de sport,
ce qui le conduit à un concept qui n'a rien, lui, de nouveau, la combinaison
d'un moteur V8 américain et d'un châssis européen. Mais Shelby
veut faire autre chose de plus puissant qu'une voiture de tourisme rapide. Il
sait qu'il ne peut rien faire tout seul et qu'une firme comme Chevrolet ne l'aidera
pas car elle a déjà sa Corvette. Mais Shelby n'abandonne pas l'idée.
Comme
il arrive souvent dans l'histoire de l'automobile, le hasard va jouer un rôle
décisif. Shelby déjeune avec le rédacteur en chef de Sport
Car Graphic. Il apprend ainsi que le constructeur anglais AC va abandonner la
production de l'AC Ace, car Bristol arrête la fabrication du six-cylindres
qui l'équipe.
Shelby emprunte une AC et se rend compte que la voiture
pourrait s'adapter à son concept. Elle a un châssis rigide, assez
de place sous le capot pour loger un V8 et des freins à disques à
l'avant. Certes, elle date un peu, mais Shelby n'a pas le choix. D'autre part,
AC est intéressé par l'affaire si Shelby peut trouver un moteur
adéquat. Le fait qu'il ait remporté les 24 Heures du Mans au volant
d'une voiture européenne a probablement fait pencher la balance en sa faveur.
Comme
on l'a dit, une coopération de General Motors n'étant pas envisageable,
Shelby se tourne vers Ford. Il a entendu dire qu'ils développent un nouveau
V8 de 3,5 litres environ et il parvient à en emprunter un grâce à
ses relations. I1 vérifie que le groupe rentre bien sous le capot, mais
ne conduit pas la voiture. Il téléphone la bonne nouvelle à
AC qu'il a trouvé un moteur adéquat.
Lorsque Ford s'aperçoit
que AC est prêt à accepter, ils envoient une version encore plus
récente et plus grosse du V8, d'une cylindrée de plus de 4 litres
(260 pouces-cubes). En février 1962, Shelby essaie ce prototype à
Silverstone il est enthousiaste.
Quelques mois plus tard, ce qui va devenir
la première AC Cobra est expédié à Los Angeles. La
voiture a été construite selon les instructions de Shelby et, en
quelques heures, lui et un ami, Dean Moon, l'équipent d'un moteur et d'une
boîte neufs. Ils l'essayent ensuite très intensivement : «
Nous avons essayé de la tuer », dit Shelby après, «
mais elle a tenu. Ce devait être une bonne voiture. »
LE
CHARME TEXAN (ET L'ENTÊTEMENT)
Malgré le manque de trésorerie
et d'espace de montage, Shelby réussit contre toute attente à obtenir
un financement de Ford pour assembler 100 Cobra. Il installe un atelier à
Los Angeles et invite les journalistes automobiles à piloter la voiture
car il cherche un maximum de publicité. Un seul petit problème :
il ne dispose que d'une seule voiture, ce qui ne rassurera pas les acheteurs potentiels.
La
solution de Shelby consiste à repeindre la voiture avant chaque essai routier.
Un jour bleue, le lendemain rouge, etc. Le truc fonctionne et la Cobra tient son
rôle à la perfection. Les journalistes deviennent lyriques car elle
accélère de 0 à 100 km/h en 4,2 secondes et atteint 240 km/h.
Shelby
a recruté des gens compétents pour son projet, mais chez AC, en
Angleterre, on conserve une petite routine. Les gens de Thames Ditton n'aiment
pas la mentalité américaine. Finalement, la menace de Shelby se
précise: si la production ne s'accélère pas, Ford rachètera
l'usine et la fermera. C'est pure invention, mais ça marche...
Les 70
premières voitures, sans moteur ni boîte, arrivent à Los Angeles
en mauvais état. Elles ont été endommagées par un
mauvais arrimage sur le cargo et Shelby est furieux de ce qu'il voit. Au lieu
de se contenter de monter le groupe motopropulseur, il doit embaucher des tôliers
et des peintres pour que les voitures retrouvent leur condition originale.
NAISSANCE
D'UN GÉANT
De nombreux défauts assaillent les premières
Cobra. Les moteurs 260 ont tendance à chauffer et le système électrique
Lucas d'origine anglaise fonctionne mal.
Bientôt, Ford annonce que le
moteur 260 va être remplacé par un moteur encore plus gros. D'une
cylindrée de 289 p. c. (4,7 litres), il donne 271 ch à 5 800 tr/min.
Il peut être encore amélioré en changeant l'arbre à
cames et l'admission pour avoir 300 ch. Ce modèle de Cobra est appelé
289.
Comme les problèmes de surchauffe persistent, Shelby commence à
acheter des radiateurs de Corvette auprès de l'agence locale de la marque.
En apprenant ça, Ford s'insurge et commande aussitôt à la
McCord Radiator Company un nouveau type de radiateur. Les problèmes électriques
sont également résolus par Ford. Sans leurs vastes ressources, Carroll
Shelby n'aurait jamais pu s'en sortir.
La production en série est une
chose, mais Shelby est plus attiré par la compétition. Il ne tarde
pas à dominer la scène sportive aux États-Unis, mais son
but est ailleurs : battre Ferrari. Parmi ses pilotes, il recrute Dan Gurney et
le Champion du Monde de Formule 1, Phil Hill.
Mais la Cobra a un handicap:
l'aérodynamique de sa carrosserie. Elle est surnommée « la
brique volante ». En réaction, Shelby et son concepteur Pete Brock
étudient un coupé ; C'est une réussite et Ferrari est frappé.
Néanmoins, à la fin de la saison, Ferrari remporte le Championnat
du Monde catégorie GT de 6,3 points devant la Cobra AC.
LA
COBRA ABSOLUE
Carroll Shelby est convaincu que le moteur doit être
encore agrandi pour compenser la mauvaise aérodynamique de la voiture.
Il a l'oeil maintenant sur le moteur Ford 427 p. c. (7 litres) qui délivre
plus de 400 ch en version standard et 600 à 700 ch quand il est très
préparé. Mais avec ce monstre, le châssis ne suit plus.
Avec
l'assistance d'ingénieurs de chez Ford, un nouveau châssis est étudié,
trois fois plus rigide que le type AC. La Cobra devient la 427. Ses ailes gonflées
et ses pneus larges lui donnent un air bien plus agressif. Il en existe plusieurs
variantes, la plus simple se contentant d'un moteur de 425 ch susceptible d'être
poussé en course à 485.
En 1965, Carroll Shelby remporte le Championnat
du Monde qu'il visait. Ses voitures finissent premières à Daytona,
Sebring, Monza, au Nürburgring et à Reims. Enfin la « brique
volante » a vaincu Ferrari.
La dernière Cobra 427 quitte l'usine
en décembre 1966. À cette date, 356 exemplaires ont été
construits contre 560 versions 289.
La Cobra a été à l'origine
de nombreuses répliques de qualité très diverse. Mais une
seule réplique a été approuvée par AC, Ford et Shelby,
celle construite en Angleterre par Autokraft. Parmi les acheteurs de Cobra les
plus éminents figure le roi de Suède dont la voiture a été
finement surnommée la « King Cobra » !
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Carroll
Shelby, du Texas, rêve de produire sa propre voiture de sport. Après
avoir remporté les 24 Heures du Mans en 1959 avec une Aston Martin DBR1,
il est célèbre et admiré. Mais il doit interrompre sa carrière
de pilote en raison d'un problème cardiaque et un an après, il est
sans travail et sans argent. Mais il a des relations, du charme et de la persuasion.
Résultat : la Cobra, une auto de légende! |