Edition 1970: Porsche

Attwood-Herrmann sur Porche 917 ont concrétisé la domination du constructeur allemand aux 24 Heures du Mans.

PORSCHE VAINQUEUR AISE D'UNE COURSE ESCAMOTEE


Le MANS. - Le speaker du circuit lui-même fut surpris par la nouvelle formule du départ des 24 Heures. L'habituelle concentration de spectateurs était massée de part et d'autre de la piste où les 31 voitures qualifiées étaient disposées en arête de poisson. Disposées plus obliquement que d'habitude, les voitures étaient alignées en fonction de leurs performances aux essais. Et le panachage idéal Porsche-Ferrari-Porsche-Ferrari des premiers rangs avait de quoi mettre l'eau à la bouche des centaines de milliers de spectateurs.

Comme Henry Ford II en 1967, un autre «  grand » de l'industrie automobile allait donner le départ, mais un grand à l'échelle européenne : le docteur Ferry Porsche.

Duel Elford-Siffert

Vic Elford entendait bien profiter de la meilleure place qu'il occupait pour entamer la ligne droite des Hunaudières devant tout le monde.

Compte tenu de la vitesse maximale supérieure que lui autorisait le profilage de sa voiture, Elford calculait bien. Mais un paramètre imprévu vint troubler ce calcul : le départ éclair de Siffert qui porta sa Porsche à la hauteur de celle d'Elford.

Au cours de la deuxième heure, le duel entre les deux leaders devait prendre une allure très âpre. On attendait qu'ils entretuent leurs voitures, mais c'est le sage Rodriguez qui disparut le premier, à la suite de la rupture d'entraînement de la turbine de refroidissement, alors qu'il se trouvait dans son 23e tour. Elford et Siffert n'avaient d'autre préoccupation que de s'imposer l'un à l'autre; Siffert fournissait un gros effort pour coller à Elford, ce qui lui valait un tour en 3'22"6 (record). Mais peu après, Elford se surpassait, accrochant le record à 3'21" (241,233 km/h), avant de ravitailler et de laisser le volant à Ahrens, Redman, relayant Siffert, allait d'autant plus facilement distancer l'Allemand qu'un crachin se mit à tomber.

Classement au quart de la course (6e heure).

1. Siffert-Redman, 91 tours (204,810 km/h); 2. Elford-Ahrens, 88 tr; 3. Ickx-Schetty, 87 tr; 4. Larrousse-Kauhsen, 87 tr; 5. Piper-Van Lennep, 87 t r; 6. Herrmann- Attwood, 86 tr; 7. Nanni-Stommelen, 85 t r; etc.

La fatigue mécanique commence à sévir. C'est notamment le cas sur la Porsche d'Elford-Ahrens qui connaît des ennuis de suspension vers minuit, s'arrête à deux reprises à son stand et glisse de la seconde à la cinquième place, à cinq tours de la 917 de Siffert-Redman qui a l'air invincible. La dernière Ferrari bien conduite occupait une belle deuxième place, après un effort constant et mesuré de ses pilotes. Mais elle a trois tours de retard! Derrière elle, Larrousse-Kauhsen dominent Herrmann-Attwood régulièrement.

La piste avait séché depuis la grosse averse de la soirée, lorsqu'en pleine nuit la pluie réapparaît. Larrousse conduit vraiment très bien son impressionnante 917, qu'il n'avait jamais conduite avant Le Mans, même sur le sec. Mais Siffert et Ickx planent au-dessus de tous les autres. Alors que, sur les autres voitures, les feux stop s'illuminent bien avant la courbe Dunlop. Ils ne touchent même pas à leur pédale de frein! Larrousse est magnifique lui aussi, mais Kauhsen n'est pas à sa hauteur et puis, la Porsche craint le mouillé, son moteur cafouille. Allumage noyé, Larrousse roule comme il peut.

Siffert et Ickx : erreurs fatales

C'est alors que les deux leaders, que l'on croyait grandioses et invincibles, allaient commettre une erreur fatale à tour de rôle. Et la malchance n'a même pas voulu faire une " fleur " à Ferrari : Siffert aurait pu faire un surrégime et casser son moteur avant qu'Ickx ne quitte la piste au freinage. La Ferrari aurait pu se trouver en tête un tout petit moment. Ce ne fut pas le cas. À 1 h 35 dans la nuit, la Ferrari, toutes roues bloquées, quitta la piste.

Un surrégime de Siffert et la casse de son moteur allaient pourtant tout bouleverser. Herrmann-Attwood héritaient d'une première place qu'ils allaient préserver jusqu'à la fin. Elford avait, en effet, encore été retardé par des ennuis de suspension, mais moins que l'autre Porsche " longue " : Larrousse-Kauhsen, outre leur allumage sensible aux averses, eurent des ennuis d'équilibre de roue.

Classement à mi-course

1. Herrmann-Attwood, 176 tours; 2. Larrousse-Kauhsen, 173 tr; 3. Elford-Ahrens,172 t r; 4. Lins-Marko, 171 tr; 5. Nanni-Stommelen, 166 tr; 6. Posey-Bucknum (Ferrari 512 S), 165 tr; 7. De Fierland-A.M. Walker .(Ferrari 512 S),153 tr ; etc.

Tout pour Porsche

En GT, deux voitures émergeaient du lot: la Porsche 914 S de Chasseuil-Ballot-Lena et la Corvette de Greder-Rouget, qui prenaient alternativement le commandement en fonction des averses. Celles-ci convenaient mal aux nombreux chevaux de la Chevrolet, mais les périodes sèches furent suffisantes pour qu'elle prenne un très léger avantage sur la Porsche. Cette dernière n'avait pas à forcer; la distance imposée à la Chevrolet étant infaisable, à cause des nombreuses et fortes averses, et la Porsche avait la victoire effective en main.

La fin de course fut animée par Gérard Larrousse, qui dut d'abord reprendre à la Porsche 914 une seconde place perdue sous la pluie (le moteur ne fonctionnait plus). Elford avait disparu à 8 heures du matin, à cause de ses ennuis de suspension, et la 908 défendit vaillamment la seconde place dont elle avait bénéficié alors. Mais Larrousse imposa sa loi, malgré une dernière averse sur le coup de midi, auquel l'allumage résista cette fois. Herrmann-Attwood constituent certainement un bel équipage, qui remporte une victoire méritée, à mi-course, ils étaient déjà en tête. Mais le public du Mans et le docteur Ferry Porsche surent apprécier les efforts prodigués par Larrousse-Kauhsen et Lins-Marko. Ces derniers remportent le classement à l'indice de performance de haute lutte. En fin de course, ils ont été ralentis par un problème incroyable: les écrous autoserreurs de fixation des roues s'avéraient impossibles à dévisser au moment des averses. Heureusement, ils avaient tant fait dans les trois premiers quarts de la course qu'à l'indice ils étaient imbattables. Porsche a donc triomphé sur tous les fronts.

Johnny RIVES

Classements

À LA DISTANCE

1. Attwood-Herrmann (Porsche 917, pn. Goodyear), 4607,810 km en 24 heures (moy. 191,992 km/h) 2. Larrousse-Kauhsen (Porsche 917), 4541,950 km; 3. Lins-Marko (Porsche 908), 4502,780 km; 4. Posey-Bucknum (Ferrari 512 S), 4209,600 km; 5. De Fierland-Walker (Ferrari 512), 4103,520 km; 6. Ballot-Lena-Chasseuil (Porsche 914 S), 3 834,360 km.

COUPE GRAND TOURISME

1. Ballot-Lena-Chasseuil (Porsche 914 S, pn. Dunlop), 3834,260 km (159,761 km/h).

AU RENDEMENT ÉNERGÉTIQUE

1. Larrousse-Kauhsen (Porsche 917), 4541,960 km; consommation moyenne 38,641. aux 100 km; poids 940 kg; indice 0,89.

Photo et compte-rendu extraits de l'Equipe du mardi 9 juin 1970

La réputée version « courte » de la Porsche 917 domine la course du Mans 1970 avec cette voiture de l'équipe JWA pilotée par Jo Siffert. Elle impose son rythme dès les premiers tours de course.

Il aura fallu 20 ans à Porsche pour décrocher la victoire aux 24 Heures du Mans. C'est chose faite en 1970 et 1971 avec les surpuissantes 917 qui en profitèrent pour pulvériser le record de la distance parcourue sur le circuit de la Sarthe. Certaines Porsche 917 atteignaient les 380 km/h dans la célèbre ligne droite des Hunaudières. La Porsche 917 "Longue" de l'équipage Larousse-Kauhsen se classe deuxième aux 24 Heures du Mans 1970.

Texte et photo extraits de "Planète Auto - les années 70" de Jean-Michel Gomez & Guillaume Lopez aux éditions La Sirène.

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