Jean Rondeau

Né au Mans en 1946, Jean Rondeau est fasciné par la course mancelle. Après quelques tentatives avec des véhicules de faible potentiel, il se lance en 1975 dans la construction de bolides qu'il veut mener à la victoire.

Après une 4e place en 1977 et une 5e en 1979, il connaît (avec J.P. Jaussaud) la consécration l'année suivante en devenant le premier pilote-constructeur à remporter les 24 Heures du Mans.

Un exploit inégalé, et sans doute pour longtemps. L'année suivante, ses voitures terminent aux 2e et 3e rangs au Mans. J. Rondeau gagne encore, courant 1982, les 1000 km de Monza avec Pescarolo et Francia.

Il décède en décembre 1985 dans un tragique accident de la route.

J.-P. DELAPERRELLE

Jean Rondeau

De l'exploit au drame !

Premiers tours de roue sur le Bugatti en avril 80 du tandem Jaussaud-Rondeau et arrivée dans les stands de Jean-François Robin (à droite) que Matra accepte de prêter pour les 24 Heures. Photo Michel Bonté (Maine Libre).

Né au Mans, jean n'avait pas trois ans quand, juché sur tees épaules de père, il découvrit pour la première fois tes bolides 24 heures. Entre deux rangées de spectateurs, un destin venait de se nouer en cet été 49 !

Pas difficile d'imaginer en effet, à partir de ce spectacle fascinant, pourquoi le gamin n'eut plus qu'une seule idée en tête : devenir pilote de course un jour ! Ainsi, ce ne sera pas une surprise pour ses parents de le retrouver quelques années plus tard, à l'âge de dix ans, dans l'attirant baquet des voiturettes du Critérium du Jeune Pilote. Le nom de Rondeau figure d'ailleurs en bonne place au palmarès de cette épreuve organisée par l'A.C.O et on se doute de la fierté qu'en éprouva Jean.

Sur les cahiers scolaires que Renée conservait précieusement (comme toutes les mamans), on pouvait encore juger de la passion ancrée de l'adolescent au nombre des voitures de course dessinées dans les marges.

Le guide du pilote

Même la mort précoce de son père en 1959 n'allait pas casser le fil ténu de sa vocation puisque Jean se lança dans ses premières courses dès ses vingt ans au volant d'une antique monoplace. Suivront ensuite une série de voitures en plus ou moins bon état de rouler, comme cette R8 Gordini ou cette berlinette Alpine qui allait le mener tout droit au trophée du même nom. Nous sommes en 1968 et pour cette sélection qui ouvre une place sur la grille de départ des 24 Heures, Jean paie son manque d'expérience en circuit. Il décide alors de prendre quelques cours à l'école de pilotage du Bugatti mais là encore, face à des "pointures", le Manceau échoue en finale.

Cet échec relatif au volant Shell (5e place) le conforte dans sa décision et il se lance dans les courses de côte en finançant sa saison avec la vente d'un petit "guide du pilote" de sa confection. C'est l'époque du break D.S. et de la remorque où l'important est d'abord de trouver les sous pour être au départ de la prochaine course.

En Juin 72, le moment tant attendu survient quand l'Anglais Robinson accepte de lui confier pour les 24 Heures le volant d'une Chevron B 21 ... plus très fraîche. Mais Jean n'en a cure et il attaque les essais puis la course tambour battant. Même la casse du moteur au petit matin ne refroidira pas l'ardeur du pilote local longtemps pointé en tête de la catégorie 2 litres. Non qualifié en 73, le nom de Rondeau commence à franchir les limites de l'Ouest lorsqu'il remporte le trophée British Leyland l'année suivante et termine 19e des 24 Heures sur l'antique Porsche 908 de Christian Poirot. Après une nouvelle saison 75 de "misère" avec une Dolomite aussi officielle... qu'inopérante, Jean va se décider à sauter le pas : puisqu'il n'arrive pas à trouver un bon volant, il fabriquera lui-même sa propre voiture de course !

Ainsi naquit l'ATAC, association de mordus de compétition qui sut très vite convaincre par son enthousiasme un entrepreneur lyonnais de papier peint. En huit mois, le miracle eut lieu et à la grande joie de son P.D.G., Charles James, devenu premier supporter de Rondeau, le nom d'Inaltera passa à la postérité... en même temps que les deux protos construits rue Hoche franchissaient la ligne d'arrivée au Mans. Dès lors, la réputation de Jean à construire des voitures rapides et sures allait lui permettre de gravir très vite les échelons de la notoriété jusqu'à ce 15 Juin 1980 où associé à Jean-Pierre Jaussaud, "l'entant du pays" triomphe au volant de sa propre groupe C.

Vingt ans après, cet événement garde toute son aura et à l'époque le Président Giscard d'Estaing ne s'y était pas trompé en accueillant à l'Elysée la troupe sarthoise au grand complet.

Mais cela ne règlera pas pour autant les problèmes financiers de Jean et de sa fidèle équipe basée désormais à Champagné. Au fil des éditions et malgré les bons résultats (2e et 3e en 81, vice-champion du monde en 82), le constructeur sarthois continuera de tirer le diable par la queue.

Un moment, on imagine que la construction de la Formule Ford qui portera son nom lui apportera l'indispensable bouffée d'oxygène mais il n'en sera hélas rien.

Tour à tour on évoque avenue du Panorama, l'ouverture au championnat américain d'endurance et même la Formule 1, comme autant de solutions destinées à pérenniser la petite entreprise mais aucun de ces projets ne pourra aboutir. Le 27 décembre 1985, au passage à niveau de Champagné, la Porsche du jeune Manceau est pulvérisée par le train de Paris.

Mettant fin à bien des rêves, cet accident dramatique stoppera à 39 ans l'étonnante trajectoire de Jean Rondeau.

Photo Guy Beaulieu

Article de Michel Bonté paru dans "La Vie Mancelle et Sarthoise" Juin 2000.