La grande saga Matra

La piste du Mans s'est présentée de manière impromptue à l'horizon Matra. En fait, il s'agissait pour la firme de préparer la venue du modèle "530" sur le marché français de la série sportive. Ainsi, les spectateurs manceaux des essais d'avril 66 se souviendront longtemps de cette bizarre forme grise qui apparut sur la piste sarthoise aux mains de Jo Schlesser. C'est le but de la saga Matra. Bien que trois fois champion de France en F3 (1966-67-68) et deux fois vainqueur du trophée d'Europe en F2 (67-68), les premières années de Matra au Mans furent difficiles avec autant d'abandons que de participations.

Après trois premières participations délicates où aucune voiture n'a pu terminer la course, Matra voit enfin trois de ses voitures franchir la ligne d'arrivée en 1969, année du titre de champion du monde de F1. Malgré cette nette amélioration, aucun pilote ne finira en 1970 et en 1971.

Six ans plus tard, la passe de trois réussies aux 24 Heures restera la marque de fabrique d'une véritble équipe de France. Cocorico oblige, on n'a d'ailleurs jamais fait mieux dans les rangs de l'industrie automobile de notre pays. Et, ce n'est pas Pescarolo qui nous dira le contraire. "Aucun de nos trois succès ne fut facile, mais il faut quand même dire et redire qu'en sport automobile, on a rarement été aussi ambitieux que Matra".

Les trois glorieuses au Mans

Quand il évoque encore aujourd'hui son premier des trois succès au Mans, en 1972, Henri Pescarolo ne peut s'empêcher de sourire. Pour la simple et bonne raison que "viré par Lagardère comme un malpropre en 70, je ne voulais plus entendre parlé de Matra". Et finalement, c'est au lendemain des essais d'Avril, après un temps canon réalisé par François Cevert, que Pesca se laissa convaincre. "J'ai fini par dire oui même si le fait de conduire avec Graham Hill ne m'enthousiasmait pas vraiment. Bêtement, je pensais qu'il n'avait plus rien à prouver et surtout qu'il n'était venu que pour le cachet. Mais les conditions délicates de la course m'ont vite démontré le contrare et durant la nuit, c'est même lui qui en prenant les bonnes options nous a sauvé la baraque". Sous le regard du président Pompidou, Matra réalisait enfin son premier doublé.

De l'avis même de Pescarolo, 1973 fut vraiment l'édition reine des 24 Heures et il parle volontiers d'une année "magique". Henri évoque donc avec un sourire gourmand cette "guerre totale" qui s'annoçait ce week-end là. D'ailleurs si Cevert est censé être le plus rapide, C'est la paire Merzario-Pace qui démontre d'entrée les ambitions de Ferrari en tenant tête deux heures durant à l'armada Matra. Comme toujours au Mans, un petit grain de sable vient même se glisser dans la mécanique pourtant parfaitement huilée de Matra sous la forme de probèmes moteurs et même de déchappage des Good Year. "En fait, dans cette course sans merci, il n'y a eu aucun moment de répit. Ce fut une guerre totale où chacun donna le meilleur de lui-même". Jusqu'à deux heures de l'arrivée, Ickx et Redman montrèrent même l'arrière train de leur efficace "312" à l'équipage n°1 de Matra. Mais à 14h27, le moteur de la belle Ferrari rendit l'âme et Pescarolo-Larousse purent enfin savourer leur triomphe.

Contrairement à l'édition précédente Ferrari ne relève pas le défi imposé par Matra. On s'apprête donc à vivre un cavalier seul de la marque de Vélizy, mais les évènements vont vite prendre prendre une autre tournure. "En fait, les victoires précédentes avaient un peu effacé le seul vrai problème de Matra, c'est à dire la rivalité au sein de l'équipe elle-même". Meilleur temps des essais, Pescarolo va donc se mettre en conditions optima de course et prendre résolument la tête du peloton dès le baisser du drapeau. Ce sera la bonne tactique puisque Henri et Gérard Larousse se seront jamais vraiment inquiétés. Sauf que derrière le cavalier de la n°11, les incidents se succédèrent pour le team Matra, provoquant du même coup les transes de Lagardère. Jarier touchant une Porsche sur la piste de décélérations, Jaussaud-Wollek cassant leur moteur juste avant celui de Beltoise à minuit, les mines s'allongent dans les stands des bleus. Et puis c'est au tour du V12 de Migault-Jabouille de donner à son tour des signes d'échauffement. "Du coup, on a fini un peu tendus et sans vraiment tirer sur le moteur". N'empêche que voilà Matra à jamais dans la légende du Mans et Pescarolo transformé en Dieu vivant à l'âge de 32 ans !

1966
  • Jaussaud-Pescarolo
    sur MS 620 (ab. 8ème heure)

  • Rees-J. Schlesser
    sur MS 620 (ab. 9ème heure)
  • Beltoise-Servoz-Gavin
    sur MS 620 (ab. 13ème heure)
1969
  • H. Muller-Servoz-Gavin
    sur MS 630/650 (ab. 12ème heure)
  • 4ème Beltoise-P. Courage
    sur MS 650 : 4945 km

  • 5ème Guichet-Vacarrella
    sur MS 630 : 4834 km
  • 7ème Galli-Widdows
    sur MS 630/650 : 4443 km
1972
  • Amon-Beltoise
    sur MS 670 (ab. 1ère heure)
  • Hobbs-Jabouille
    sur MS 660 C (ab. 24ème heure)
  • 1er G. Hill-Pescarolo
    sur MS 670 : 4691 km
  • 2ème Cevert-Ganley
    sur MS 670 : 4554 km

1967
  • Jaussaud-Pescarolo
    sur MS 630 (ab. 8ème heure)
  • Beltoise-Servoz-Gavin
    sur MS 630 (ab. 12ème heure)
1970
  • Brabham-Cevert
    sur MS 660 (ab. 7ème heure)
  • Beltoise-Pescarolo
    sur MS 660 (ab. 7ème heure)
  • Depailler-Jabouille
    sur MS 650 (ab. 7ème heure)
1973
  • Depailler-Wollek
    sur MS 670 (ab. 8ème heure)
  • Beltoise-Cevert
    sur MS 670 B (ab. 12ème heure)
  • 1er Larousse-Pescarolo
    sur MS 670 B : 4853 km
  • 3ème Jabouille-Jaussaud
    sur MS 670 B : 4526 km
1968
  • Pescarolo-Servoz-Gavin
    sur MS 630 (ab. 22ème heure)
1971
  • Amon-Beltoise
    sur MS 660 (ab. 18ème heure)
1974
  • Beltoise-Jarier
    sur MS 680 B (ab. 9ème heure)
  • Wollek-Jaussaud
    sur MS 670 (ab. 9ème heure)
  • 1er Larousse-Pescarolo
    sur MS 670 : 4606 km
  • 3ème Jabouille-Migault
    sur MS 670 : 4429 km