La « type E »

Avec la type E, ou XK E, présentée au Salon de Genève en mars 1961 (en coupé ou roadster), Jaguar remporte un nouveau succès mondial. Dans cette voiture se retrouvent tous les perfectionnements acquis en compétition par les types C, D et E I1 A : carrosserie aérodynamique monocoque, suspension indépendante à l'avant et à l'arrière, direction à crémaillère, freins à disque sur les quatre roues (in board à l'arrière), pont autobloquant, moteur boîte XK de 3,8 l(très exactement celui de la 150 S : 265 ch, 3 carburateurs SU), roues de 15° à rayons.
Tous les espoirs se confirment : la « type E » dépasse les 245 km/h et abat le 400 m départ arrêté en moins de 15 secondes, et ceci pour un prix légèrement inférieur à 2 100 livres, soit la moitié d'une 300 SL Mercedes. Aux États-Unis, l'engouement est fantastique et plus de 85 % de la production y est absorbée.
La même année, la MK X remplace la MK IX avec une ligne redessinée, plus basse, mais encore plus imposante : 5 m de long x 1,93 m de large, d'un poids de 2 t ; moteur de 3,8 1 développant 265, ch, 3 carburateurs SU. Sa suspension (indépendante à l'avant et à l'arrière) et son silence deviendront proverbiaux ; de plus, elle frise les 200 km/h.
En 1963, un nouveau modèle s'insère entre la MK II et la MK X : la « S type Saloon ». Il s'agit en fait de la MK II rallongée de 15 cm et équipée de la suspension arrière de la MK X. Surtout destinée au marché américain, elle reçoit en 1964, ainsi que la « type E », la boîte synchronisée.
1964 voit également l'adoption pour la MK X et la « type E » du moteur XK réalésé à 4,2 1, de même puissance mais plus souple à bas régime. Deux ans plus tard, la E Coupé 2 + 2 vient s'ajouter à la gamme (avec boîte automatique en option).
Avec plus de 20 000 voitures par an, Jaguar devient une entreprise industrielle de très grande envergure. Le manque de place se faisant sentir, W. Lyons achète successivement : en 1960, la Daimler Company et son groupe B.S.A. (les Daimler V 8 de 2,5 l continueront à être fabriquées par Jaguar jusqu'en 1968, puis seule la calandre Daimler sera gardée et apposée sur le modèle le plus luxueux de la gamme) ; en 1961, Guy-Motor (camions, bus, matériel militaire) ; en 1963, Coventry Climax (pompes à incendie, et surtout le moteur champion du monde 1963-1965 et son dessinateur W. Hassan, qui revenait ainsi à la maison mère); en 1964, enfin, Henry-Meadows est absorbée (moteurs Lea-Francis et diesels pour bateaux, trains et poids lourds). Une seule question restait posée : « How does he do it ? (Mais comment fait-il donc ?) ». Il s'agissait bien sûr de sir William Lyons.
Que ce soit en 3,8 1 ou en 4,2 1, la « type E », bien qu'étant destinée au tourisme rapide, est utilisée également par les pilotes de course anglais. Dès sa première sortie, le 10 avril 1961 à Oulton Park, avec Graham Hill au volant, elle remporte une victoire devant les Ferrari GT et Aston Martin DB 4. Voiture à tout faire, sa plus grande victoire reste certainement le •< Gran Premio Nacional » d'Amérique du Sud en 1966 : 2 000 km à travers les Andes à plus de 100 km/h de moyenne, où elle laisse derrière elle la deuxième, une Shelby-Mustang, à presque une heure de distance.
Mais sur les pistes, la formidable GTO Ferrari va bientôt lui barrer la route (1962). En riposte, Jaguar construit 15 types E de compétition, les light-weight : caisse entièrement en aluminium, redessinée partiellement par M. Sayer, moteur XK de 3,8 l expérimental en métal léger, alimentation par injection et boîte à quatre ou cinq vitesses (ZF). D'une puissance de 325 à 345 ch selon le cas, la light-weight réussira à tenir tête momentanément aux Ferrari GTO et Aston Martin DB 4 GT Zagato (elle sera quatrième au Mans en 1962, première au Tourist Trophy de Silverstone en 1963, première à Reims en 1963) ; mais l'usine, préoccupée par un projet fantastique : la XJ 13, l'abandonnera vite en laissant aux pilotes le soin de préparer eux-mêmes des types E de série, mais sans ambition internationale.
Dans le secret le plus complet, Baily étudie depuis 1955 un moteur V 12 double-arbre à cames en tête de 5 1 de cylindrée et à carter sec. Fin 1964, le moteur avec l'injection donne plus de 500 ch à 7 600 tr/mn ; accolé à une boîte ZF, il est installé sur un prototype à moteur central dû à Derek-White et carrossé par M. Sayer, équipé de freins à disque ventilés Dunlop et de roues magnésium de 15 pouces.