Les premières "XK" : Les 120

 Le 27 octobre 1948 au Salon de Londres, à Earl Court, la Jaguar Cars Ltd. présente une gamme de modèles complètement rénovée. Les moteurs 6 cylindres de 2,7 1 et 3,5 1, dont le succès est désormais assuré, équipent la « MK V » (scie en berline quatre portes et quatre places ou en cabriolet deux portes et quatre places), avec suspension indépendante à l'avant, freins hydrauliques, phares encastrés et roues arrière carénée, (988 livres + taxes pour la 3,5 1 et 145 km/h). Les nouveaux moteurs XK sont présentés : le 3,4 litres équipant la Jaguar XK 120 Super-Sport. le 2-litres en option sur la même voiture.
Avec ces roadsters deux places de ligne résolument moderne commence l'histoire contemporaine de la Jaguar. Primitivement, cette voiture avait été construite pour tester le nouveau moteur XK qui équiperait la future grande routière MK VII, la carrosserie était en aluminium sur une armature en bois et il avait été décidé d'en construire 200 environ. Le carnet de commandes fut tel qu'afin de satisfaire la clientèle il fallut mettre en série l'XK 120 (12 000 exemplaires de 1948 à 1959, dont 224 en aluminium et 3 en magnésium).
Considérée individuellement, aucune des solutions techniques retenues n'était vraiment originale, toutes existant déjà sur les voitures de course les plus avancées de l'époque... Mais jamais encore tous ces perfectionnements n'avaient été offerts simultanément sur la même voiture, qui plus est de série, et à un prix aussi concurrentiel
998 livres + taxes !
D'ailleurs un certain scepticisme entoura cette nouveauté... Bien sûr, le moteur de l'XK 100 avait été déjà apprécié sur la MG Spéciale, qui avait battu trois records du monde en septembre 1948 à plus de 283 km/h. Mais pour l'XK 120, rien n'avait été divulgué. Aussi, pour établir définitivement les possibilités du véhicule, W. Lyons envoie à Jabekke, en Belgique, sur l'autostrade des records, une XK 120 de série : moteur 6 cylindres 3,442 1, double-arbre à cames en tête, vilebrequin 7 paliers, culasse hémisphérique, alimentation par deux carburateurs SU, taux de compression 8:1, puissance 160 ch à 5 750 tr/mn, boîte à quatre vitesses dont trois synchronisées, freins hydrauliques, suspension indépendante à l'avant, pont rigide à l'arrière, roues arrière carénées, rapport de pont 3,27:1, carburant à 74° d'octane.
Les résultats : la « 120 » établit le mile lancé à 203,5 km/h (capote montée et tout l'habillage « tourisme ») et à 213 km/h (capote et pare-brise ôtés, saute-vent, tonneau-cover montés et carénage inférieur).
Les acheteurs s'emparent du moteur XK 120, et l'on n'entend plus parler du XK 100, dont trois exemplaires seulement avaient été construits (un 4-cylindres double-arbre, exactement de même configuration que le six, et deux carburateurs SU d'une puissance de 105 ch.).
Seul, donc, le 6-cylindres est retenu, celui-là même qui va remporter 5 fois les Vingt-Quatre Heures du Mans, effectuer plus de 10 records du monde sur terre et 5 sur l'eau (avec miss Windermere), servir Sa Gracieuse Majesté Elisabeth Il avec les chars d'assaut « Scorpion » et équiper d'autres véhicules civils et militaires... (il équipe encore aujourd'hui l'XJ 6 de 3,4 1 série I1).
De 1948 à 1954 le roadster « 120 » reçoit nombre d'aménagement, faisant passer sa puissance de 160 à 210 ch : culasse « C », arbre à cames, volant moteur allégé, damper, pistons, double échappement... et, en plus : roues à rayons, freins Alfin, réservoirs spéciaux, carénage inférieur, rapports de pont, saute-vent, boîte close-ratio, tonneau-cover, radio et pneus Racing. En 1954, le même roadster se voit adjoindre la direction à crémaillère, une nouvelle calandre et de gros parechocs et est présenté sous le type « 140 >.. Un coupé, en 1951, puis un cabriolet en 1953 avaient déjà étoffé la gamme ; ils continuèrent également sous le vocable « 140 » en devenant des 2 + 2, grâce à un aménagement intérieur approprié, recevant ensuite, comme le roadster, d'autres options : boîte automatique et boîte à quatre vitesses, plus overdrive.

L'XK 140

En mai 1957, la « 140 » fait place à la « 150 », de ligne plus souple (pare-brise panoramique), d'abord pour le coupé et le cabriolet, ensuite pour le roadster (1958). Ces trois modèles peuvent recevoir l'un de ces moteurs : 3,4 1, 190 ch (19571961), 3,4 1, 210 ch (1957-1961), 3,4 1 S, 245 ch (1958-1961), 3,8 1, 220 ch (1959-1961), 3,8 1 S, 255 ch (1959-1961).
En option sur tous les modèles, les freins à disque, le pont autobloquant et tous les aménagements des 120 et 140. Avec le moteur le plus puissant, une vitesse de 225 km/h est assurée ainsi que le 400 m départ arrêté en 15 secondes.

Les succès de la 120

En 1948, William Lyons n'a pas du tout l'intention d'engager officiellement les XK 120 dans les épreuves sportives. Cependant dès leur première sortie à Scherstone en 1949, elles réalisent un doublé : première et deuxième places, et il accepte alors de faire préparer six XK 120 à l'usine et de les confier à des amateurs éclairés, supportés par un service course embryonnaire dirigé par L. England. Les succès ne se font pas attendre et, de 1950 à 1954, la « 120 » remporte 8 Coupes des Alpes, le Tourist Trophy, le Daily Express (2 fois), Spa, le Rallye du Soleil, le Rallye des Tulipes, le Rallye de Londres, Liège-Rome-Liège, Lyon-Charbonnières, le Rallye des Highlands, le Rallye d'Écosse, le Rallye du R.A.C., 5 records internationaux à Montlhéry, dont sept jours à plus de 160 km/h de moyenne. Enfin, Johnston, Wallace et Richardson sont champions d'Amérique sur XK 120 en 1952, 1954, 1955 et 1960.
Avec l'arrivée des types « C » et «D » la 120 continue dans les courses de clubs et reçoit, au fil des années, les équipements sans cesse plus puissants disponibles à l'usine : culasse WASP, carburateur Weber, arbre à cames, freins à disque, roues et carrosseries magnésium. Aujourd'hui encore elle fait les délices des amateurs d'Historic-Race.
On comprend alors pourquoi, en 1951, l'usine construit une véritable voiture de course, extrapolée de la 120 (la « type C »), de son vrai nom « XK 120 C », voiture conçue et réalisée dans un seul but : les courses d'endurance et, surtout, les Vingt-Quatre Heures du Mans. Ses caractéristiques : châssis tubulaire, direction à crémaillère, freins Alfin, suspension indépendante à l'avant, pont rigide à l'arrière avec barre de torsion, carrosserie aluminium, roues de 16° à rayons sur jante en métal léger et moteur XK 120, désormais classique, de 200 à 225 ch (avec Weber, en 1953) avec boîte à quatre vitesses XK 120 (dont 3 synchronisées).
Sa première sortie aux Vingt-Quatre Heures du Mans de 1951 se solde par une brillante victoire devant les puissants du moment : Ferrari, Cunningham, Talbot, Nash-Healey, Aston Martin ; quant aux deux autres participations au Tourist Trophy et à Goodwood, elles se soldent par deux doublés aux première et deuxième places !
En 1952 les voitures sont remises en compétition, mais recarrossées « Long-Tail » afin de gagner quelques km/h aux Hunaudières. Malheureusement, leur nouveau système de refroidissement fonctionne mal et elles abandonnent toutes les trois après une heure de course ; ces carrosseries seront alors éliminées au bénéfice des anciennes, qui effaceront cet échec en remportant les Douze Heures de Reims, Jersey, Turnburry, Wakefield et Goodwood.
Fin 1952 l'usine Jaguar met en vente une petite série de type C (1954) et laisse aux pilotes indépendants le soin de défendre la marque, sauf aux Vingt-Quatre Heures du Mans 1953 où il faut réparer l'affront ; ce qui est fait, et de la manière la plus glorieuse qui soit : en remportant les deux premières places et le record du tour. Puis, pour faire bonne mesure, les voitures de type C ajoutent à leur palmarès les Douze Heures de Reims et deux deuxièmes places à Spa et au Nürburgring. Enfin, une « type C » à carrosserie spéciale, préfigurant la « type D », parcourt à Gabbeke, en octobre, le kilomètre lancé à 285 km/h de moyenne !