Ford à redonné vie à sa GT 40 sous la forme d'une fascinante supercar routière.
MORTEFONTAINE
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de notre envoyé spécial
AYANT
FÊTÉ son centenaire l'année dernière, Ford est
une marque dotée d'une riche histoire. Elle aime s'en souvenir. Après
la Thunderbird et la Mustang, c'est donc la mythique GT 40 qui est aujourd'hui
ressuscitée par la division « Légende vivantes » créée
à cet effet au sein du département design par le constructeur américain.
La démarche, il est vrai, est passéiste mais, après tout,
pourquoi bouder son plaisir ? Les remakes de Thunderbird et de Mustang sont plutôt
réussis, quant à celui de la GT 40, celle qui en son temps mata
Ferrari et Porsche aux 24 Heures du Mans (lire par ailleurs), il est tout simplement
génial.
Au premier coup d'oeil, la Ford GT apparaît comme la
copie conforme de son ancêtre. Encore étonnamment d'actualité,
sa ligne est superbe et suscite toujours la même émotion, preuve,
s'il en fallait une, que l'original était bien un chef-d'oeuvre. A bien
y regarder, si les proportions sont respectées, les dimensions ont cependant
sensiblement progressées. C'est que, entre un prototype de course des années
soixante et un bolide à usage routier de 2005, les contraintes ne sont
pas exactement les mêmes. Afin de ménager des zones d'absorption
des chocs et d'offrir un peu plus d'espace à l'habitacle, la longueur augmente
ainsi de 50 cm et la largeur de 18 cm. La hauteur ne progresse, elle, que de 10
cm, ce qui permet à la Ford GT de conserver le profil surbaissé
caractéristique de son aïeule, dont le nom GT 40 entendait souligner
qu'elle ne faisait que 40 pouces de haut. Soit environ 102 cm, contre, par exemple,
115 cm pour une Ferrari Enzo.
Un
punch démoniaque
Plutôt que de monter à bord, on se
laisse donc tomber dans la Ford GT. Les portes mordant généreusement
sur le toit, cela se fait toutefois sans problème. Calé dans une
coque en carbone recouverte de cuir, coincé entre le caisson du châssis
en treillis d'aluminium, à gauche, et l'énorme tunnel en magnésium
qui abrite le réservoir d'essence, à droite, on se retrouve dans
un véritable cocon avec une vision rase bitume des plus suggestives. Des
basculeurs en alu et cinq manomètres qui encadrent un énorme compte-tours
en position centrale achèvent de créer l'ambiance. Il n'y a plus
qu'à débrayer et à pousser le bouton rouge du démarreur.
Le gros V8, dont on aperçoit le compresseur dans le rétroviseur,
s'ébroue instantanément, là, juste derrière les oreilles.
On aimerait pourtant que sa sonorité, bridée par les normes d'homologation,
se montre moins discrète. Ce qui frappe d'ailleurs d'entrée, avec
ce monstre de plus de 500 ch, ce sont ses bonnes manières. Pourtant de
type compétition, l'embrayage bi-disque est parfait de douceur, tout comme
la commande de boîte, par ailleurs parfaitement guidée. Vu la souplesse
du moteur, on se 'dit, alors, que, si ce n'est pour l'encombrement et la visibilité,
tout de même pas terrible, conduire l'engin en ville ne doit pas poser de
problème particulier.
Pour l'heure, ce sont les pistes routières
du centre d'essais de Mortefontaine qui nous attendent. L'occasion, pour la Ford
GT de laisser exploser son talent et le punch démoniaque de son V 8 suralimenté.
Jamais de brutalité, mais une force implacable qui, quel que soit le régime,
vous colle au baquet. Troisième, quatrième, cinquième, et
toujours la même poussée ! On passe la sixième, juste histoire
de s'apercevoir qu'à 200 km/h, le moteur ne tourne même pas à
mi-régime. Pas de raison, alors, de douter des 330 km/h revendiqués
par l'usine pour la vitesse de pointe.
Pour passer sa puissance au sol, la
Ford GT ne joue pas petits bras. Ni antipatinage, ni ESP ; elle ne s'en remet
qu'à ses énormes pneus, au différentiel autobloquant... et
au pied droit du conducteur. Un pilotage à l'ancienne d'autant plus jubilatoire
qu'il s'accompagne d'une efficacité, elle, bien d'aujourd'hui.
Stable,
précise et parfaitement équilibrée, la Ford se place en effet
au doigt et à l'oeil, toujours assez prévenante pour éviter
les débordements intempestifs. Si l'on y ajoute des suspensions qui ménagent
un confort tout à fait correct et un freinage des plus sécurisants,
on réalise, qu'au-delà de son look rétro, la Ford GT fait
bien partie de l'élite actuelle des voitures sportives.
Jean-Lou COLIN
Un bijou de 170 000 euros
En incluant les sept Mk III homologuées pour la route en 1967, ce sont 101 GT 40 qui ont été produites au total. C'est exactement le nombre de Ford GT qui arriveront en Europe, sur un total de 4 500 voitures qui seront construites en trois ans. La France, elle, n'en recueillera que sept, toutes déjà attribuées à partir d'une liste qui comprenait plus de 60 candidatures. Elles seront livrées en avril 2005 et facturées environ 170 000 € ; somme à rapporter aux 460 000 € réclamés pour une Mercedes SLR, par exemple.
FICHE. - Coupé deux places. Longueur : 4,64 m ; largeur : 1,95 m ; hauteur : 1,12 m ; empattement : 2,71 m ; réservoir : 60l. ; poids : 1 540 kg. Moteur. - V 8 à 90° suralimenté par compresseur, tout alu, carter sec, 2 x 2 ACT, 4 soupapes/cyl. ; 5 409 cm3 ; 550 ch à 6 000 tr/mn ; 677 Nm à 4 500 tr/mn. Transmission. - Aux roues arrière ; botte-pont Ricardo à 6 rapports avec différentiel autobloquant. Châssis. - Treillis tubulaire en aluminium, éléments de carrosserie en fibre de carbone ; direction assistée ; suspension AV/AR à double triangle superposés en aluminium ; freins AV/AR Brembo à disques ventilés et étriers 4 pistons, ABS ; pneus : AV 235/45 ZR 18, AR 315/40 ZR 19. Performances. - Vitesse maxi : 330 km/h ; 0 à 100 km/h en 3"8. Équipement. - Airbags frontaux, verrouillage centralisé, vitres AV et rétroviseurs électriques, climatisation manuelle, sièges baquet en cuir, radio-CD, phares au xénon...
La saga du Mans
GLORIFIÉE
par quatre victoires consécutives (1966, 1967,1968 et 1969) aux 24 Heures
du Mans, l'appellation GT 40 est devenue aussi emblématique pour Ford que
celle de GTO pour Ferrari. Las, use fois son programme endurance terminé,
Ford céda le nom de sa voiture avec le reliquat de matériel technique
à une entreprise de pièces détachées qui, flairant
la bonne affaire, demanda plus tard un prix inacceptable pour son rachat. Voici
donc pourquoi la Ford GT doit aujourd'hui se passer de «40 » . La
grande histoire de Ford au Mans débute en 1962. Tout près de racheter
Ferrari, Henry Ford II essuie finalement un refus du Commandatore qui s'est ravisé.
En représailles, le patron américain décide alors de défier
la Scuderia sur le terrain des 24 Heures.
Débarquant dans la Sarthe
en 1964, la GT 40 connaît un rodage difficile. Remaniée sous la direction
de Caroll Shelby, elle troque son V8, 4,2 litres pour un 7 litres. Phil Hill lui
offre la pole-position mais, en course, toutes les voitures abandonnent après
quelques heures. La consécration arrive en 1966. La victoire de Bruce McLaren
et Chris Amon est assortie d'un triplé. L'année suivante, Dan Gurney
et A.J. Foyt fonttriompher la Mk IV devant deux Ferrari, après que trois
des sept voitures engagées ont abandonné à la suite d'accidents
pendant la nuit.
Le règlement limitant la cylindrée, c'est avec
un moteur 5 litres que Pedro Rodriguez et Lucien Bianchi l'emportent en 1968,
avec, cette fois, Porsche pour adversaire. C'est cependant pour sa dernière
participation, en 1969, que la GT 40 signe son plus beau succès. Dans une
des éditions les plus disputées de l'histoire des 24 Heures, Jacky
Ickx et Jackie Oliver viennent à bout de l'armada Porsche en s'imposant
avec seulement deux secondes d'avance sur la 908 d'Herrmann-Larrousse. - J.-L.
C.
Extrait de « L'Equipe » du 30/07/2004