De la 250 GTO à la F550
A quarante ans d'écart, Ferrari s'impose comme l'épouvantail dans la catégorie GT. Curieusement, ses adversaires d'hier sont également ceux d'aujourd'hui Chevrolet et Aston Martin.
En
ouvrant !e championnat du monde des marques aux GT à partir de 1962, la
Commission sportive internationale (CSI, ancêtre de l'actuelle FIA) aiguise
les appétits des constructeurs de voitures à vocation sportive.
Dont celui de Ferrari qui, déjà à l'époque, s'illustre
au Mans avec ses 250 GT. Dès 1959, année où les GT ont droit
de cité dans toutes les grandes épreuves internationales, les propriétaires
de 250 GT s'inscrivent aux 24 Heures.
Trois d'entre elles terminent parmi
les six premières du classement général, avec à l'appui,
une victoire de catégorie pour "Beurlys" - "Eldé".
La mode est lancée : elle va se perpétuer jusqu'au milieu de la
décennie suivante. Tavano - "Loustel", en 1960, puis Guichet
- Noblet, l'année suivante, s'imposent en catégorie GT. En fait,
Ferrari n'a pas de rival à la hauteur. Seules des Chevrolet Corvette privées
puis des Aston Martin Zagato se risquent à se frotter aux 250 GT.
Quarante-quatre
ans plus tard, rien ou presque n'a changé et si les Corvette sont toujours
là, l'Aston Martin DB9 GT ne devrait cependant faire son apparition dans
la Sarthe qu'en juin 2005, avec l'espoir de dominer la Ferrari F550 et sa "petite
sueur", la 575.
Et
la GT devint GTO
Mais remontons le fil de l'histoire. La Tipo 250 GTO
fini d'asseoir la réputation de la marque de Maranello. En fait, il s'agit
d'une évolution de la 250 Europa GT dont la première version est
apparue au Salon de Paris 1954.
Au fil des ans, la carrosserie ne cesse d'évoluer.
En revanche, la base mécanique reste la même : un empattement de
2,60 mètres et un V12 de 2953 cm3 signé Gioacchino Colombo,
ingénieur présent aux débuts de l'histoire Ferrari mais parti
sous d'autres cieux fin 1949 ! La surprise intervient au Salon de Paris 1958 où
est exposée une berlinette à l'empattement réduit à
2,40 mètres. Autres innovations : le montage de freins à disques,
le renforcement du bas de caisse et plus généralement de la coque.
Rapidement baptisée 250 GT SWB (pour Short Wheel Base, soit empattement
court), elle est livrée à des clients qui peuvent installer le volant
aussi bien à droite qu'à gauche et qui continuent leur moisson de
succès.
L'euphorie se poursuit en 1961 alors que, discrètement,
Ferrari engage au Mans une SWB à laquelle seuls les initiés prêtent
attention. Ses formes spéciales sont pourtant différentes de celles
de la 250 GT. Confié au Mans à Tavano - Baghetti, ce modèle
expérimente plusieurs évolutions de la version de 1960 : renforts
au niveau de l'arrière, moteur à carter sec, présence de
six carburateurs Weber - comme sur les 250 Testa Rossa sport -, boîte plus
agressive, le tout dissimulé sous une jolie carrosserie signée Pininfarina.
Si l'aventure se termine peu après la mi-course, chez Ferrari on met les
bouchées doubles car, pour 1962, la CSI a annoncé que le championnat
du monde des constructeurs ne se ferait plus via les prototypes mais à
travers les GT. Tirant les enseignements de la prestation mancelle, Ferrari construit
une seconde 250 GT expérimentale qui apparaît à Monza en septembre
pour des tests réalisés par Stirling Moss. Il s'agit d'un projet
signé Giotto Bizzarini qui a "greffé" un V12 de Testa
Rossa dans un châssis de 250 GT. Ses formes sont provisoires, mais la ligne
est proche de ce que va être la 250 GT 1962. C'est Scaglietti qui va lui
donner sa forme définitive. Entre-temps, l'ingénieur Forghieri a
pris le relais de Bizzarini.
En février 1962, c'est la présentation
de la 250 Berlinetta devenue GTO (O pour Omologato) après son homologation
parla Fédération Italienne comme extension de la 250 GT. Sa première
sortie a lieu à Sebring où Phil Hill et Olivier Gendebien terminent
deuxièmes, apportant à la 250 GTO son premier succès de catégorie.
Le début d'une histoire qui, pendant trois ans, va voir les victoires se
succéder.
Au Mans, une 250 GTO termine seconde au général
en 1962 et 63 alors que sur les quatorze GTO 3 litres engagées, quatre
seulement ne rallient pas l'arrivée. Tout change en 1964 avec l'arrivée
des surpuissantes Cobra. Quatre GTO sont recarrossées par Pininfarina qui
dessine une voiture plus basse, plus large et plus courte que le modèle
original. Ces modifications n'apporteront pas de progrès significatifs.
Au Mans, les GTO doivent s'incliner devant les Cobra mais, en fin de saison, c'est
bien Ferrari qui est sacré champion du monde. C'est le couronnement d'une
carrière qui touche à sa fin.
L'histoire
balbutie
Quarante ans plus tard, une autre Ferrari, la F550 se montre
la digne descendante de la 250 GTO. Au départ, l'histoire n'a pourtant
rien de commun. Organisateur du championnat FIA-GT, Stéphane Ratel se retrouve
en 2000 en manque de voitures excitantes. Sa série, marquée depuis
deux ans par un duel Chrysler Viper - Lister Storm, manque de saveur. Il propose
donc à plusieurs investisseurs un projet de Ferrari GT basé autour
de la F550 Maranello. La société Italtecnica à Turin est
chargée de développer une voiture construite sans l'accord de Ferrari,
d'où son appellation de F550 Millenio. Trop fragile, sa carrière
n'est qu'une succession d'abandons. Lassé de ses résultats, Frédéric
Dor, l'un des hommes d'affaires qui a misé sur cette voiture, se tourne
alors vers Prodrive afin de redémarrer un projet similaire pour 2001. Connus
pour leur efficacité, les Britanniques qui font courir les Subaru en championnat
du monde des rallyes repensent tout à leur façon. Refusée
à Silverstone pour non-conformité avec le règlement (la boîte
n'est plus longitudinale mais transversale), elle voit ses débuts repoussés
en Hongrie, où Menu-Rydell abandonnent après s'être hissés
jusqu'à la troisième place. Dès le rendez-vous suivant en
Autriche, Kox et Rydell signent la pole position et la victoire. Troisièmes
au Nürburgring, Menu et Rydell s'imposent à nouveau à Jarama.
La F550 Prodrive est la meilleure GT en devenir. Notons au passage qu'à
Estoril, en fin de saison, la F550 abandonne ses Dunlop pour des Michelin.
Chez Prodrive, d'autres projets se font jour. Maintenant au point, la F550 décide
d'aller défier les Chevrolet Corvette C5-R officielles dans la série
ALMS aux États-Unis. La première tentative, au Petit Le Mans, n'est
pas un succès, mais le team Prodrive est venu jauger la concurrence. Les
F550 affirment leur supériorité en FIA-GT. Notamment avec les deux
voitures de la Scuderia Italia dont l'équipage de pointe, Deletraz-Piccini,
remporte quatre victoires.
Aux États-Unis, c'est la sensation puisque
malgré un programme réduit, la F550 d'origine britannique remporte
les trois derniers rendez-vous de la saison (Laguna Seca, Miami, Petit Le Mans).
Des résultats prévisibles au vu de la démonstration aux 24
Heures du Mans, où la seule F550 engagée menait à la mi-course
devant les Corvette, les Viper et les Saleen avant d'être contrainte à
l'abandon (début d'incendie). La montée en puissance de la F550
est couronnée de succès en 2003 avec les titres pilotes (Bobbi-Biagi)
et équipes (Scuderia Italia) en FIA-GT, alors que Prodrive domine l'équipe
d'usine GM au Mans. Le bonheur est total avec les victoires en ALMS où
l'équipe Care Racing réussit même le doublé. Il s'en
faut d'un point que Ferrari ne remporte la couronne en catégorie GTS. Et
l'aventure continue d'aussi belle façon en 2004 avec deux victoires à
Monza et Valence pour les deux premières courses FIA.
Manifestement,
la F550 Prodrive est devenue la référence dans sa catégorie.
Même la nouvelle 575 GTC développée par l'usine sur des bases
identiques a du mal à suivre. L'affrontement Ferrari-Chevrolet va être
l'un des clous du spectacle des 24 Heures 2004 grâce à des F550 bien
décidées à conserver leur suprématie
en GTS.
Quarante
années séparent ces eux clichés : la 250 GTO de Grossmann-Roberts
(à droite) en 1963, et la Maranello du team Prodrive en 2003. | ||
"Beurlys"
et "Eldé", premiers vainqueurs en GT en 1959 avec la GTO auront
moins de réussite en 1962 (ci-contre). | ||
L'emblématique
Ferrari GTO fut une réussite à tous le spoints de vue. | ||
Même
en bleu la 550 conserve toute sa classe (ici Alphand en 2003). | ||
Graham
Hill et Stirling Moss se partagèrent le volant de cette Ferrari GT aux
essais du Mans 1962. | ||
La
550 Maranello, digne descendante des GTO, GTB, Daytona et 512 BB. |