La
victoire de Matra-Simca en 1972 (1,39 Mo ; 10 s.)
Vidéo
extraite du documentaire de Bernard Saint-Jacques
"Les
100 ans du Salon de l'auto" diffusé sur France3 le 1 novembre 2000
à 12h50
LES ESSAIS AU MANS EN MARS 1972 : LES INNOVATIONS EN MATIÈRE D'AÉRODYNAMIQUE PERMIRENT À JACKY ICKX DE RÉALISER LE MEILLEUR TEMPS DU WEEK-END D'ESSAIS. |
Matra : Que d'émotions avant la satisfaction
LE
MANS. - Le président de la République et trois cent mille spectateurs
étaient venus au Mans samedi avec un seul espoir, voir gagner une Matra-Simca.
Voici quelques clichés saisis dans les stands Matra.
Samedi, 14
heures. -Les stands Matra sont encerclés de curieux.Les journalistes
étrangers sont exaspérés par cette marque de chauvinisme.
«Qui part? demande l'un d'eux. Les pilotes français ? »
Eh oui! pour les premières heures de course, les précieuses voitures
bleues seront confiées aux Français.
16 heures. - Départ
lancé. Trois Matra en tête et, derrière, le paquet des Lola
et des Alfa Romeo cernant la vieille 660 de Jabouille. Soudain, la course est-elle
seulement partie ? On n'a pas eu le temps de s'en rendre compte... Et pourtant
voici Beltoise perdant de la vitesse devant les stands. Fuite d'huile et court-circuit,
l'incendie est immédiat.
Beltoise, imperturbable, se met au point mort
et laisse rouler sa Matra au-delà de la courbe Dunlop, malgré le
feu dans son dos. Après un interminable parcours, il s'arrête à
(entrée du circuit Bugatti. Chez Matra, on ne sait rien de cela. Beltoise
revient à pied, pâle et le visage décomposé. Sa déception
est terrible.
18 h 20. - Jabouille, qui roulait avec les deux autres
Matra, sent son moteur cafouiller. Panne d'essence. Il branche le robinet de sa
réserve, mais, un kilomètre plus loin, toussotement encore et silence.
Panne sèche. Incroyable. Il saute à terre, va à (avant et
tire sa carrosserie vers le haut pour produire une pente amenant les dernières
gouttes d'essence à l'arrière des réservoirs.
Jabouille
pousse sa Mafia à reculons pour dégager la piste. Plus loin une
ouverture dans les glissières. Il y engage sa Matra en marche arrière,
et constatent que le bas-côté est en pente, il tente une dernière
chance, hissant de toutes ses forces l'avant de sa Matra. Miracle. Il restait
un verre d'essence, le moteur démarre.
Jabouille embraye, passe aussitôt
en cinquième et fait cent cinquante mètres avant de vite remettre
au point mort Épuisé physiquement et nerveusement, il atteint son
stand. M. Lagardère est blême. La situation est dramatique, presque
catastrophique. Il est 18 h 40, la Matra 660 a perdu cinq tours. Sur quatre, il
n'y en a plus que deux en tête...
Dimanche, 1 heure du matin
. Les Lola ont eu des ennuis de boîte, les Alfa Romeo, plus inquiétantes,
éprouvent des difficultés lors des changements de plaquettes de
freins. En outre, la plus rapide a connu des incidents qui l'ont freinée
(système d'injection, échappements cassés). Chez Matra par
contre, tout roule confortablement. Certes, la course est encore longue, on est
toujours inquiet, mais les visages se sont détendus. Graham Hill s'arrête
pour laisser sa voiture à Pescarolo.
7 h 45. - Cevert vient
de dormir pendant trois heures. Il arrive sur la piste avec des yeux bouffis.
Le jour s'est levé. Sans la brume, il ferait beau. Les moteurs Matra V
12 chantent clair dans le frais matin.
« Attention, laissez passer les
Shadocks ! » L'euphorie gagne les stands Matra en commençant par
les mécanos dont le caractère de fin parisien ne demande qu'à
s'exprimer. Seul Ducarouge reste grave. Il songe aux heures à venir.
Midi. - Ganley éprouve des difficultés avec son moteur sous une
ondée et Graham Hill en profite pour lui subtiliser la première
place. Peu après, panique: on apprend que Ganley a été accroché,
mais qu'il n'a rien. «Je l'avais dit et répété, dit
Lagardère, la pluie peut tout fiche en faix. » Par bonheur, Ganley
réussit à ramener sa voiture. Cevert, déçu lorsque
Graham Hill est passé en tête de la course devant sa voiture, est
maintenant empreint du plus calme fatalisme.
La réparation de la carrosserie
et la protection du moteur sensible à l'humidité coûteront
actant de travail que Cevert-Ganley perdront même la seconde place au profit
des courageux Jabouille-Hobbs. Hélas, s'il est courageux, Jabouille est
particulièrement malchanceux cette année et c'est en vain que l'on
guetta l'apparition de sa Matra à la sortie du garage Ford. Boîte
bloquée, c'est une chose. Le pauvre Jabouille eut le malheur qu'elle le
soit non pas sur n'importe quel rapport... mais au point mort. Malgré ses
efforts, la panne soudaine était irréparable. Malgré une
ultime averse, après cette course, qui nous avait apporté tant de
douches froides, le public salua avec frénésie une victoire qui,
comme celle de Beltoise à Monaco, en aura réjoui beaucoup.
Johnny
RIVES
CLASSEMENT
1. Henri Pescarolo-Graham Hill (Matra-Simca Shell, pn. Goodyear), 4 691,343 km
(moy. 195,472 km/h; 2. Cevert-Ganley (Matra-Simca), à 10 tours; 3. Jost-Weber
(Porsche 908), à 19 tours; 4. Vaccarella-De Adamish (Alfa Romeo 32/3) à
37 tours; 5. Andruet-Ballot-Léna (Ferrari GTB, pn. Michelin); etc.
Meilleur tour: Van Lennep (Lola T 280), 3'46"9/10 (216,413 km/h).
![]() | Henri Pescarolo (avec la barbe) a pris le relais de Graham Hill dans la nuit de samedi à dimanche et a remporté pour la première fois l'épreuve d'endurance du Mans. |