Edition 1935 : Lagonda

Une PA sera engagée au Mans par G. Eyston en 1935. Pilotée par deux femmes, Mrs Ailan et Eaton. Elles termineront vingt-sixièmes à la distance. L'homme au centre est le célèbre Eyston.

De nombreuses firmes automobiles ont commencé leur activité en fabriquant des voitures de sport ou de luxe avant d'en venir à assurer la survie des petites voitures économiques de série. L'histoire de l'entreprise Lagonda est à l'opposé de cette évolution
ayant débuté par la fabrication de motocyclettes et de véhicules à trois roues, elle vint ensuite aux voitures de grand tourisme.
Le nom de Lagonda, d'origine américaine, était celui d'une vallée proche de Sprinfield, dans l'Ohio, où naquit le fondateur de l'entreprise, Wilbur Gunn, chanteur d'opéra amateur qui émigra en Angleterre vers 1890 et s'établit à Staines, sur les bords de la Tamise. En 1904, Gunn mit sur le marché son premier véhicule à trois roues avec un moteur à deux cylindres en V refroidi par air et direction par guidon, très inspiré des tricycles Léon Bollée. En 1906, ce type de véhicule fut doté d'un volant et d'un moteur à deux cylindres en V de 1 222 cm' refroidi par circulation d'eau, mais la concurrence toujours croissante des sidecars décida Gunn à abandonner la fabrication des véhicules à trois roues pour passer à celle de véritables voitures.
Sa première 16/20 HP était équipée d'un moteur à quatre cylindres de 2100 cm' à soupapes latérales, changement de vitesse à quatre rapports et transmission par arbre à cardan. La construction de la voiture était très soignée : ainsi, la partie inférieure du châssis était carénée et un toit placé sur le siège du conducteur protégeait celui-ci des intempéries. La plus grande partie de la production fut vendue en Russie, où Gunn obtint une médaille d'or dans les épreuves de la Coupe du tsar en 1910.
Ce n'est qu'en 1911 que commença la prospection du marché anglais : à cette époque, les voitures étaient déjà plus puissantes dans les deux versions proposées : 4-cylindres de 3 1 et 6-cylindres de 4,6 I. Ces deux types de voitures étaient équipés de cylindres séparés en deux blocs, de soupapes latérales, d'un arbre à cames commandé par chaîne et d'un changement de vitesse à trois rapports ; l'éclairage électrique était fourni sur option.
A partir de 1913, Lagonda se tourna vers la fabrication des 4 cylindres utilitaires qui étaient à la mode à cette époque. La cylindrée du moteur, à soupapes d'admission en tête et pompe à huile extérieure commandée par une came, était de 1 098 cm3 (67 x 77,8 mm) ; la boîte de vitesses était séparée de l'embrayage et le pont arrière à vis sans fin. En 1921-1922, les voitures prenant part aux courses de Brooklands furent équipées de moteurs de 1,5 1 et, au même moment, la cylindrée des voitures de série passa à 1 420 cm3. D'autres modifications portaient sur le radiateur plus plat, l'arrière de la voiture plus effilé, les pistons en aluminium et l'installation électrique. En 1923, la transmission à couple conique fut normalisée.
En 1925, ce modèle fut rebaptisé 12/24 HP et doté d'un embrayage à disque unique à sec et de quelques équipements supplémentaires, sur option, tels les pneumatiques « Ballon > et les freins avant. A ce même moment, le frein sur la transmission fut supprimé.
Au Salon de Londres de la même année fut présentée une 2 000 cm', désignée sous le nom de 14/60 HP, conçue par Arthur Davidson sur le modèle des châssis européens classiques
embrayage à disque unique, changement de vitesse à quatre rapports, amortisseurs à friction, freins mécaniques sur les quatre roues et un empattement de plus de 3 m. Le moteur, avec deux arbres à cames placés en haut du bloc, chambres d'explosion hémisphériques et vilebrequin à cinq paliers, constituait la partie la plus élaborée de ce modèle.
La vitesse de cette voiture n'était toutefois pas suffisamment élevée (105 km/h) pour se mesurer avec les Ballot et les OM, beaucoup plus populaires en Angleterre à cette époque. Toutefois, elle fut rapidement en mesure de tenir tête à ces deux marques grâce à la version Speed Model, qui avait un rapport de compression plus élevé, une boîte de vitesses à rapports plus rapprochés et une carrosserie torpédo de série très réussie, à quatre places, avec des garde-boue enveloppants ; la vitesse de la voiture atteignit ainsi 12$ km/h. Ce modèle fut construit également en berline et en coupé, deux types de carrosserie fabriqués par Lagonda jusqu'en 1933 avec quelques modifications, parmi lesquelles les garde-boue du type motocyclette, un compresseur Powerplus et un carburateur Cozette qui permettaient d'atteindre une vitesse de 140 km/h.
La vogue de plus en plus répandue des petites 6-cylindres avait poussé Lagonda, dès 1927, à mettre en fabrication une 16/65 HP de 2 700 cm3 développant 61 ch. Les voitures avaient encore certaines caractéristiques révolues telles que l'allumage à magnéto, la pédale d'accélérateur centrale et le levier du changement de vitesse placé sur la droite. La seule nouveauté fut l'adoption sur option en 1934 d'une boîte de vitesses semi-automatique Maybach.
Par augmentation de l'alésage, deux nouvelles versions furent proposées par la suite : une 3-litres, une 3,6-litres, puis une nouvelle 2-litres six cylindres à moteur Crossley, destinée à remplacer la 4-cylindres.
Toujours au cours de l'année 1934, Lagonda adopta pour la première fois un moteur Meadows, destiné à équiper son modèle légendaire M 45 de 4 500 cm', qui remplaça pratiquement les Bentley et, plus tard, les Invicta sur le marché anglais. Le moteur de 115 ch à six cylindres, soupapes en tête, allumage à magnéto, deux carburateurs SU et pompe électrique, avait déjà été expérimenté de 1928 à 1933 sur les Invicta, avec d'excellents résultats. Bien que le châssis fût encore conventionnel, avec suspensions à ressorts à lames, amortisseurs à friction et servofrein Dewandre, ce modèle réalisait les mêmes performances qu'une Bentley (vitesse 150 km/h, accélération 0-100 km/h en 15,8 s) et son prix n'était qua de 795 livres sterling. Cependant, les finitions de la carrosserie laissaient un peu à désirer.
En 1935 fut mis sur le marché le modèle M45 Rapide, d'un empattement de 3,12 m, doté d'amortisseurs hydrauliques, de freins Girling, avec un rapport de compression plus élevé, des bielles et un vilebrequin renforcé et une puissance proche de 120 ch. La Rapide était en mesure de dépasser 160 km/h.
Les difficultés financières qui étaient nées au sein de l'entreprise au début des années trente ayant amené à envisager la production d'un modèle économique, Lagonda proposa, en 1934 et 1935, une 1 104 cm' de 12/45 HP appelée <c Rapier », dotée d'un moteur à deux arbres à cames en tête et d'une boîte présélective. Cette excellente voiture fut toutefois handicapée par son poids et son insuccès provoqua la faillite de Lagonda en 1935. Le modèle ne fut toutefois pas abandonné et les droits de fabrication furent cédés à une entreprise indépendante de Londres créée à cet effet, la Rapier Cars Ltd., qui en poursuivit la fabrication jusqu'en 1940. La faillite de Lagonda coïncida avec le succès de l'équipe Hindmarsh-Fontes sur Rapide dans les VingtQuatre Heures du Mans, succès qui mit fin à la série des quatre victoires consécutives d'Alfa Romeo.
La solution à tous les problèmes vint avec la décision d'Alan Good de racheter l'ensemble de l'entreprise et d'en confier la direction technique à William Owen Bentley, le fondateur de la firme du même nom. Bentley poursuivit la fabrication du seul modèle de 4 500 cm', sur lequel il effectua un difficile travail de mise au point allant du dispositif d'allumage au changement de vitesse, qui fut partiellement synchronisé.
En 1937, Bentley créa un splendide moteur V 12, dont les livraisons commencèrent l'année suivante et atteignirent un total de 300 unités dans la période de l'avant-guerre. Il s'agissait d'un moteur à course courte (84,5 x 74 mm), ayant également 4 500 cm3, avec un arbre à cames en tête pour chaque bloc de cylindres, et dont la puissance atteignait 180 ch à 5 500 tr/mn. Sa conception le plaçait sur le même plan que les meilleurs moteurs des années cinquante : vilebrequin nitruré, changement à quatre rapports synchronisés, couple du pont hypoïde, freins hydrauliques pourvus de deux cylindres par tambour et suspensions avant indépendantes par barres de torsion. Malgré son poids considérable de 2 130 kg, la voiture fut en mesure d'atteindre 163 km/h.
Deux voitures spéciales furent engagées aux Vingt-Quatre Heures du Mans 1939 et, pour leur première sortie, accomplirent sans défaillance une belle performance en terminant aux troisième et quatrième places. En l'occurrence, les moteurs avaient été poussés à 220 ch. Pour les clients qui se méfiaient de l'extrême complexité du moteur à douze cylindres, on équipa le même châssis avec le moteur classique à six cylindres Meadows. Ce modèle, appelé LG 6, atteignit 150 km/h.
Quelques mois avant la déclaration de guerre, Bentley essaya à Montlhéry une berline aérodynamique rapide équipée du moteur qui avait participé aux Vingt-Quatre Heures du Mans (220 ch). C'était un modèle de série qui devait atteindre 200 km/h, mais la guerre en empêcha la mise en fabrication.
Le gros moteur V 12 ne convenant pas pour le marché anglais de l'après-guerre, Bentley avait prévu en remplacement une voiture qui resta pendant plusieurs années le seul modèle anglais doté de suspensions indépendantes sur les quatre roues avec des barres de torsion à l'arrière. Pour cette nouvelle Lagonda, il utilisa un moteur à six cylindres en ligne de 2 500 cm3 avec double-arbre à cames en tête.
Les nouvelles difficultés financières de 1947 furent surmontées grâce au rachat de Lagonda par David Brown, propriétaire de la marque Aston Martin. Cet événement eut toutefois une conséquence technique intéressante : le nouveau moteur 6 cylindres de 2 500 cm' fut très largement adopté pour équiper une longue série de modèles sportifs Aston Martin qui connurent une renommée considérable et des succès encourageants. En revanche, les modèles Lagonda équipés de ce même moteur, handicapés par des carrosseries très lourdes et d'un prix élevé et par une vitesse maximale limitée à 140 km/h, furent moins appréciés.
En 1953, la cylindrée fut portée à 3 1 et conféra ainsi un plus grand succès commercial à certains modèles carrossés par Tickford. Toutefois, cette fabrication cessa en 1958.
Entre-temps, le vaste programme sportif d'Aston Martin amena à nouveau le nom de Lagonda sur les circuits automobiles, mais il semble que le moteur de 4 480 cm' préparé pour les compétitions portait la marque Lagonda pour l'unique raison qu'il s'agissait d'un 12-cylindres en V à quatre arbres à cames en tête. Malheureusement, la réduction de la cylindrée, ramenée à 3 000 cm' pour les voitures sport destinées aux Vingt-Quatre Heures du Mans, provoqua rapidement la disparition de ce type de moteur.
En 1961, la quatrième série de la Rapide fut présentée : il s'agissait d'une berline très luxueuse carrossée par Touring dans la série Superleggera. Elle était dotée d'un pont arrière De Dion, de barres de torsion, d'un double circuit de freinage et d'une transmission automatique accouplée à un moteur DB 4 de 4 I. Une cinquantaine d'exemplaires seulement de ce modèle furent construits, dont les derniers furent livrés en 1963, au moment où Lagonda avait déjà arrêté toute activité depuis quelques mois. A l'automne de 1974, Aston Martin relança le nom de Lagonda sur une berline luxueuse à quatre portes avec moteur V 8 de 5 340 cm', proposée au prix de 14 000 livres, mais elle n'eut guère de succès.

Extrait de "Alpha auto - Grande encyclopédie de l'automobile"

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