Edition 1926 : Lorraine-Dietrich

Victoire de 3 Lorraine Diétrich aux 24 h du Mans

13 juin. Trois voitures françaises triomphent aux grand Prix d'endurance du Mans. Les championnes, des Lorraine-Diétrich, ont roulé à plus de 100 km à l'heure pendant toute la durée de la course. Un exploit qu'il n'y a pas si longtemps on croyait impossible. Les Peugeot 18 CV et les OM italiennes se sont également bien comportées, inquiétant un moment les 3 lauréates. A noter l'usage désormais largement répandu des pneus à tringles. Est-ce utile de préciser que les Lorraine-Diétrich en étaient équipées?

Extrait de Chronique du 20e siècle Editions Larousse

Rétrospective des 24 Heures 1926 ( 4,29 Mo ; 1 mn )

Extraite du documentaire vidéo de Jacques BROUX, "La Merveilleuse Aventure de l'Automobile - De 1890 à l'an 1930".

Pour pouvoir visionner cette vidéo, vous devez posséder les codecs DivX. Si vous ne les avez pas, rendez-vous sur le site http://flo.tom.briere.free.fr dans le répertoire "trucs & astuces" et téléchargez ceux que nous vous proposons.

­ Retour ­

Lorraine-Dietrich : Entreprise française de constructions métallurgiques et mécaniques qui fabriqua, de 1897 à 1939, des voitures automobiles et des camions.
La marque La Lorraine, sous laquelle furent construits des automobiles et des moteurs d'avions réputés, n'apparut qu'en 1905, après que les fondateurs des usines reprises par la nouvelle Société lorraine des Anciens Établissements De Dietrich et Cie de Lunéville se furent retirés.
L'origine des entreprises De Dietrich remonte au XVIIème siècle et à la fondation à' Niederbronn, en Alsace, d'un des premiers hauts fourneaux de dimensions industrielles. Au XIXème siècle, l'apparition du chemin de fer fut à l'origine d'un développement spectaculaire de l'entreprise qui se spécialisa dans la production de rails, wagons, roues et bandages et, en général, de toutes pièces coulées ou forgées.
A la suite du rattachement de l'AlsaceLorraine à l'Allemagne, le baron Eugène de Dietrich décida d'édifier en territoire français de nouvelles usines afin de poursuivre ses livraisons aux principales compagnies ferroviaires, ses clients. Secondé par ses neveux, Adrien et Eugène de Turckheim, il créa les usines de Lunéville puis, en 1897, une société distincte de la maison mère de Niederbronn, la Société De Dietrich et Cie de Lunéville, soumise à la législation française.
Conscient du développement imminent de l'industrie automobile, Adrien de Turckheim acquit la licence de fabrication d'une voiture conçue par Amédée Bollée fils, après un essai de 2 000 km. Le contrat fut signé en mars 1897 et, dès le mois de juillet suivant, les premières voitures « De Dietrich système Amédée Bollée fils », construites à Lunéville dans les usines précédemment consacrées à la fabrication des wagons, commencèrent d'être livrées. Il s'agissait d'un modèle à deux ou quatre places, muni d'un moteur à deux cylindres horizontaux et soupapes en tête perpendiculaires aux cylindres. La transmission était originale, avec une courroie primaire attaquant les engrenages des vitesses situés à l'arrière et les deux arbres à cardans disposés parallèlement aux longerons du châssis et entraînant les roues par renvois d'angle faisant fonction de réducteurs.
Jusqu'en 1902, la firme De Dietrich construisit trois voitures sur ce modèle : les 6,5 HP (95 x 160 mm) et les 9 HP (110 x 160 mm) bicylindres, puis une 4-cylindres (110 x 160 mm) à moteur équilibré de 18 HP, auxquels s'ajouta une 12 HP à quatre cylindres. Un camion automobile d'une charge utile de 1 200 à 1 500 kg fut primé en 1897 par le ministère de la Guerre, organisateur d'un concours de poids lourds. Une grande partie des moteurs des voitures De Dietrich venait des usines Bollée du Mans.
Comme la plupart des constructeurs de l'époque, De Dietrich engagea ses voitures dans les grandes compétitions de ville à ville. Dans la course Paris-Amsterdam-Paris, Amédée Bollée prépara quatre voitures De DietrichBollée de 8 HP à caisse en aluminium, profilée en forme de coque de bateau. Cette tentative d'aérodynamisme naïf connut un grand succès qui se traduisit par le gonflement spectaculaire du carnet de commandes des usines de Lunéville. Un client parisien fit exécuter, en 1899, une caisse spéciale sur châssis 18 HP par la carrosserie Rotchschild de Paris, qui s'inspira de la « Jamais contente » de Jenatzy ; cette voiture en forme d'obus était en aluminium et reçut un pare-brise incliné, certainement le premier au monde de cette forme. Notons d'ailleurs que les automobiles De Dietrich étaient, dès l'année 1900, exceptionnellement munies d'un pare-brise.
Cependant, le système de transmission à courroie primaire, dont le déplacement permettait le débrayage, apparaissait de plus en plus archaïque, et, malgré l'opposition de principe de la maison mère, Adrien de Turckheim, à la recherche d'un modèle d'automobile plus moderne, se rendit à Marseille où il rencontra deux jeunes ingénieurs, Léon Turcat et Simon Méry, créateurs de voitures à moteur vertical et transmission à chaînes. Il acheta la licence de fabrication des modèles bicylindres de 8 HP et 4-cylindres de 16 et 24 HP, vendus sous la marque « De Dietrich licence Turcat-Méry >.
Le développement de la branche automobile fut alors si important que la firme de Lunéville dut créer de nouveaux ateliers de fabrication et séparer les productions ferroviaires des fabrications automobiles. En 1903, les établissements Turcat-Méry, qui fabriquaient également les voitures De Dietrich, déposèrent le brevet d'un nouveau type de radiateur à ailettes à faisceau tubulaire, rival du nid d'abeilles de Mercedes, apparu la même année, qui fut monté sur toute la gamme De Dietrich composée de trois modèles à quatre cylindres
le 12 HP (90 x 120 mm, 3 054 cm'), le 16 HP (104 x 120 mm, 4 077 cm3) et le 24 HP (120 x 120 mm, 5 430 cm3). En 1904, une grosse 4-cylindres fut ajoutée, la 35 HP (130 x 130 mm, 6 900 cm3), qui ne resta en production qu'une année. Elle fut remplacée en 1905 par une 40 HP (140 x 140 mm, 8 000 cm') et une 60 HP (155 x 160 mm, 12 000 cm3).
En cette même année 1905, en raison du développement irréversible et heureux de l'activité automobile, les capitaux d'origine allemande de la maison mère furent retirés et la firme prit, en mars, la nouvelle raison sociale de Société lorraine des Anciens Établissements De Dietrich et Cie de Lunéville.
Le Salon de Paris de 1905 fut le dernier où les voitures de Lunéville portèrent la marque De Dietrich. Dès 1906, la nouvelle marque « Lorraine-Dietrich » fit son apparition et la fabrication des voitures automobiles fut regroupée à Argenteuil, près de Paris, sous la direction, de Léon Turcat.
En 1906 et 1907, la firme Lorraine-Dietrich tenta de s'imposer sur le marché européen en achetant la moitié du capital d'Isotta-Fraschini, dont le plus gros modèle, fabriqué avec quelques modifications par Turcat-Méry dans leur usine de Marseille, constitua le haut de la gamme Lorraine. En même temps, une nouvelle société, la Lorraine-Dietrich Limited, fut constituée à Birmingham, en Grande-Bretagne, et acquit les usines Ariel dans le but de construire le modèle Isotta-Fraschini. Mais la crise de 1909 amena la firme lorraine à revendre ses parts en Italie, à liquider la filiale anglaise et à rechercher de nouveaux capitaux.
Les nouveaux associés imposèrent donc une révision de la gamme de production qui se limita, entre 1909 et 1912, aux modèles Turcat-Méry, remplacés peu à peu, à partir de cette année-là, par de nouveaux types dus à un ingénieur de la maison : une 40 HP (125 x 170 mm), puis une 14 HP et une 20 HP à partir de 1913. Parallèlement, la société Lorraine Dietrich avait toujours construit des camions automobiles à deux ou trois essieux, d'un tonnage utile élevé pour l'époque (3 à 5 t).
Dès l'année 1903, l'activité sportive de la Société De Dietrich se traduisit dans les faits par la participation de ses voitures à la grande course Paris-Madrid. Une grosse 45 HP spécialement préparée fut troisième à l'étape Paris-Bordeaux, tandis que la De Dietrich de Mme du Gast suscitait l'intérêt et la curiosité de la foule, attirée par l'audace de sa conductrice. Une De Dietrich avait d'ailleurs participé à la course Paris-Vienne de l'année précédente, pilotée par Jarrott.
En 1905, une voiture spéciale de 130 HP, pilotée par Duray, fut qualifiée aux épreuves éliminatoires de la coupe Gordon-Bennett et prit la sixième place de la finale. Le même pilote participa, l'année suivante, avec une 60 HP de tourisme préparée, au circuit des Ardennes qu'il enleva à la moyenne de 106 km/h.
Au cours de l'année 1907, Duray et sa Lorraine enlevèrent la course Moscou - SaintPétersbourg, couvrant la distance en neuf heures, et la Lorraine-Dietrich de Sorel remporta encore une fois le circuit des Ardennes ; le même conducteur accomplit également deux raids spectaculaires : un Paris-Nice en seize heures et un Paris-Madrid en vingt-huit heures. Lorraine s'affirmait également dans les Grands Prix avec des modèles d'une cylindrée de 13 ou 17 1 à transmission par chaîne. En 1907, Duray mena jusqu'au dernier tour du Grand Prix de France, à Dieppe, luttant avec la Fiat de Lancia ; il avait un quart d'heure d'avance lorsqu'une panne de boîte de vitesses laissa la victoire à Nazzaro.
En 1912, Hémery, au volant d'une Lorraine 60 HP du Grand Prix de Dieppe, établit sur la piste de Brooklands les records des 3 et 6 heures respectivement à 152, 593 et 138,984 km/h de moyenne. Rivales des Delaunay Belleville, les Lorraine-Dietrich compensaient par leurs performances ce que celles-ci leur rendaient en luxe.
La guerre de 1914 devait amener LorraineDietrich, dont certaines usines étaient à proximité immédiate du front, à se tourner vers la fabrication de matériel militaire lourd
camions, wagons, blindés (auto-mitrailleuses), tandis que les usines d'Argenteuil, sous la direction technique de Marius Barbarou, transfuge de Delaunay Belleville, étaient consacrées à la fabrication des moteurs d'avions conçus par cet éminent ingénieur
un 6-cylindres de 150 ch, rival de l'Hispano, suivi de moteurs V 8 de 220, 275 et 350 ch et, enfin, d'un V 12 de 450 ch qui équipa de nombreux appareils des années vingt.
Résolument partisan du 6-cylindres en automobile, Marius Barbarou annonça, dès 1919, la gamme de fabrication : une 15 HP (75 x 130 mm), une 20 HP (80 x 150 mm) et une 30 HP (90 x 160 mm). Un modèle de grand luxe, égal des Farman, des Hispano ou des Rolls Royce, à moteur 12 cylindres de 6 500 cm', fut abandonné, comme la Hotchkiss AK. La 15 HP se révéla puissante, souple et nerveuse et se fit remarquer par son aptitude à grimper les plus rudes côtes. Son succès éclipsa pratiquement les autres modèles mis en fabrication : la 30 HP, à moteur bibloc archaïque, et 1a 10/12 HP présentée en 1922. C'était une 4-cylindres aux cotes identiques à celles du type 15 HP (75 x 130 mm), bien construite, mais dont le moteur à culbuteurs d'une trentaine de chevaux, monté sur un lourd châssis à tube de poussée et ressorts cantilevers obliques, était insuffisamment puissant pour donner à la voiture des performances satisfaisantes. Elle était, d'autre part, trop coûteuse pour une 10 HP. Lorraine-Dietrich vécut donc en réalité. de 1920 à 1932, sur son modèle 15 HP, dont les différentes versions sportives constituèrent sans doute les meilleures voitures de sport françaises des années vingt, réputées à la fois pour leur puissance, leur robustesse et leur freinage.
Les freins avant apparurent sur les Lorraine au Salon de 1923 (modèles 1924). Les B/3-6 (ainsi furent désignées les 15 HP à partir de 1922), participèrent, dans leur version sport. aux Vingt-Quatre Heures du Mans 1924 et terminèrent aux deuxième et troisième places. à peu de distance de la Bentley victorieuse. Le succès se confirma dès 1925, année où l'équipage de Courcelles-Rossignol enleva le classement à la distance avec 2 233 km en vingtquatre heures. Une deuxième Lorraine pilotée par Stalter-Brisson prit la troisième place.
L'année 1926 fut plus glorieuse encore avec la victoire des Lorraine des trois équipages Bloch-Rossignol, de Courcelles-Mongin et Stalter-Brisson qui, aux trois premières places, dépassèrent pour la première fois au Mans la moyenne de 100 km/h sur vingt-quatre heures. La firme vécut dès lors sur la réputation, justifiée, de sa 15 HP, qui apparut encore au Mans en 1934 pilotée par des indépendants. Entretemps, un jeune conducteur inconnu, J.P. Wimille, faillit remporter avec un coupé sport B/3-6 le Rallye de Monte-Carlo de 1931.
Au Salon de 1928, les voitures avaient été présentées sous la marque La Lorraine, à la suite de la demande de la famille de Dietrich qui, n'ayant plus de participations dans la firme, avait souhaité que son nom ne figurât plus ostensiblement dans le libellé de la marque.
La crise de l'aéronautique de 1930 frappa les fabricants de moteurs, et La Lorraine entra dans le groupement constitué sous le nom de Société générale aéronautique, qui engloba les usines d'Argenteuil d'où sortaient également les voitures, alors vieillissantes malgré leurs qualités fondamentales.
Au Salon de 1931, La Lorraine présenta un nouveau modèle, plus luxueux que sportif car son architecture était en réalité un recul sur le plan technique. En effet, le beau moteur à culbuteurs des B/3-6, dont les tiges étaient d'ailleurs extérieures au bloc-cylindres, était remplacé par un latéral à six cylindres de 23 CV (4 l), très souple et silencieux mais incapable de performances, sur un lourd et coûteux châssis destiné à recevoir des caisses de grands carrossiers. En réalité, la « 20 CV », telle était son appellation officielle, parut plus souvent dans les concours d'élégance que sur les grands itinéraires routiers. Il n'en fut vendu qu'une quantité infime.
La firme d'Argenteuil prit alors, en 1934, la licence des camions Tatra à poutre centrale et trois essieux, destinés au tout-terrain. Les commandes militaires de camions, de chenillettes, de véhicules tout terrain prévus pour transporter l'infanterie des nouvelles divisions mécanisées, occupèrent La Lorraine jusqu'en 1939 ; la construction de voitures particulières avait cessé en 1935 avec la 20 CV. Quant aux usines de Lunéville, devenues depuis la guerre propriété de la Compagnie industrielle de matériel de transport, ou C.1.M.T.-Lorraine, elle fabriquent toujours des remorques de camions et des wagons de chemin de fer ou de métropolitain.

Extrait de "Alpha auto - Grande encyclopédie de l'automobile"

­ Retour ­